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Consolidation de la Position du Maroc au Sommet Économique Africain : Analyse à travers le Prisme du Classement des 500 Champions Africains

Published On: juin 2025
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Introduction

L’Afrique, un continent aux mille visages et aux potentialités immenses, se trouve aujourd’hui à un carrefour décisif de son histoire économique. En pleine transformation, elle est le théâtre d’une dynamique compétitive croissante entre ses nations. Cette compétition ne se limite pas à une simple course au développement ; elle est une manifestation tangible des ambitions nationales, des aspirations à une prospérité partagée et d’une volonté commune de s’affirmer sur la scène internationale.

Selon les dernières prévisions de la Banque Mondiale, l’Afrique subsaharienne est promise à une trajectoire de croissance positive, avec un taux moyen estimé à 4,2 % pour la période 2025- 2026. Ce rebond est encourageant et témoigne du potentiel de la région. Il est principalement attribué à l’amélioration des perspectives économiques des pays exportateurs de matières premières industrielles, telles que le cuivre, le fer et le pétrole. Ces pays, souvent considérés comme les locomotives économiques de la région, bénéficient d’une conjoncture internationale plus favorable, stimulée par une demande accrue et des prix plus élevés, ce qui se traduit par une augmentation de leur production et de leurs exportations. Toutefois, il est crucial de nuancer cette perspective optimiste. Cette croissance, bien que bienvenue, ne doit pas occulter les défis structurels persistants, tels que les inégalités de revenus, le manque d’infrastructures adéquates et la vulnérabilité face aux chocs externes.

Dans ce contexte économique en mutation, marqué à la fois par des promesses de croissance et des défis structurels, le classement annuel du magazine Jeune Afrique des 500 champions africains de l’économie en 2025 offre une perspective globale et précieuse sur les tendances émergentes et les défis auxquels sont confrontées les entreprises africaines. Ce classement permet d’identifier les entreprises les plus performantes, les secteurs les plus dynamiques et les stratégies gagnantes, fournissant ainsi des informations clés pour les investisseurs, les décideurs politiques et les entrepreneurs africains. Il permet également d’évaluer l’impact des politiques économiques et des initiatives d’intégration régionale sur le développement du secteur privé africain.

C’est dans ce cadre que nous allons examiner en détail la présence et le positionnement des entreprises marocaines au sein de ce classement.

Présentation du Classement des 500 Champions Africains et description de la méthodologie utilisée pour établir le classement

Pour établir son palmarès exclusif des plus grandes entreprises opérant sur le continent africain, la rédaction de Jeune Afrique a entrepris une analyse approfondie, en compilant les chiffres d’affaires relatifs à l’exercice financier de 2023. Cette compilation s’est appuyée sur une base de données exhaustive regroupant les informations financières de près de 1 300 entreprises, sélectionnées parmi un ensemble encore plus vaste de plus de 15 000 entités.

La méthodologie employée se concentre exclusivement sur les entreprises ayant une présence juridique formelle sur le continent africain. Ainsi, sont inclus les holdings, les sociétés mères et leurs diverses filiales. Cependant, quelques exceptions sont admises, notamment dans le secteur extractif. Cette exception tient au fait que certaines entreprises de ce secteur, bien qu’ayant des activités significatives en Afrique, sont parfois cotées sur des places boursières situées en dehors du continent. Afin de garantir la fiabilité et la transparence de ce classement, tous les chiffres utilisés ont une source clairement identifiable.

Concernant le dernier classement 2025, l’ensemble des données financières analysées porte sur les exercices fiscaux clos soit à la fin de l’année 2023, soit au plus tard en juin 2024. Ce choix méthodologique vise à capturer une image aussi récente que possible de la performance des entreprises africaines.

Afin d’harmoniser les données issues de différents pays et de faciliter ainsi la comparaison des entreprises, l’ensemble des chiffres d’affaires sont convertis en dollars américains. Cette conversion s’effectue sur la base des taux de change en vigueur au jour exact de la clôture de l’exercice fiscal de chaque entreprise. Par ailleurs, une règle importante régit la présence des entreprises dans ce classement : toute société ne présentant pas ses comptes pendant deux années consécutives est automatiquement retirée. L’objectif de cette mesure est de garantir la pertinence et l’actualité du classement, en ne retenant que les entreprises dont les performances peuvent être vérifiées de manière régulière.

En outre, il est crucial de souligner que ce classement des 500 Champions Africains se concentre exclusivement sur les entreprises opérant dans les secteurs non financiers. Les entreprises relevant du secteur de la finance (banques, sociétés financières et assurances) sont délibérément exclues, car elles font l’objet d’un classement distinct et spécialisé publié par Jeune Afrique. De même, les sociétés de portefeuille dont l’activité se limite à la détention de participations financières et qui n’exercent aucune activité opérationnelle significative sont également écartées de ce classement, dont l’objectif premier est de mettre en lumière les entreprises créatrices de valeur et d’emplois sur le continent.

Analyse des tendances générales du classement : Pays les plus représentés, secteurs dominants et évolution des performances.

Le rapport annuel du classement des 500 champions africains révèle une tendance préoccupante après une période d’expansion économique notable. Suite à une croissance cumulée impressionnante de près de 25 % sur deux ans, l’activité des entreprises figurant dans ce palmarès semble marquer un ralentissement significatif. Cette observation constitue l’une des conclusions majeures de la 26ème édition de ce classement. Ce dernier met en lumière un repli modéré de 3,1 % du chiffre d’affaires cumulé de l’échantillon analysé. Ce recul, bien que léger en pourcentage, suggère une possible inflexion de la dynamique économique continentale et soulève des questions quant aux facteurs sous-jacents qui pourraient l’expliquer.

Atteignant un chiffre d’affaires cumulé de 736,8 milliards de dollars en 2023 (figure 1), le classement Top 500 des entreprises africaines atteste de la complexité et des fluctuations de l’économie du continent. Ce chiffre, représentant une régression par rapport au pic historique observé lors de l’édition précédente dudit classement (759,6 milliards de dollars en 2022), doit être replacé dans un contexte économique plus large et analysé à la lumière des tendances globales qui ont façonné la période considérée. En effet, ce repli relatif ne constitue pas un cas isolé. Une observation attentive de l’économie mondiale révèle des dynamiques similaires. A titre de comparaison, le « Fortune Global 500 », qui évalue l’activité des 500 premières entreprises mondiales, a enregistré une stagnation en 2023, avec une croissance marginale de seulement +0,1 %, atteignant 41 000 milliards de dollars. Cette performance timide s’inscrit dans un contexte de croissance économique mondiale globalement faible, se limitant à un taux de +3 % en 2023 selon les données du FMI.

Turbulences macroéconomiques

Bien que le classement des 500 Champions ait déjà connu des périodes agitées, cette édition se distingue par un contexte macroéconomique particulièrement turbulent. Plusieurs économies sont secouées par une crise des changes significative, exacerbée par une inflation galopante qui érode le pouvoir d’achat et déstabilise les marchés financiers. L’incertitude plane sur la valeur des devises et la capacité des entreprises à maintenir leur rentabilité. Parallèlement, un repli des prix des matières premières vient compliquer davantage le tableau.

Taux de change

En matière de taux de change, l’année 2023 a été une année difficile pour certaines économies africaines notamment l’Égypte et le Nigeria. Ces deux pays, déjà confrontés à des défis considérables, ont vu leurs monnaies respectives subir des turbulences majeures, impactant significativement le tissu économique local et, par ricochet, les entreprises opérant sur leurs marchés. Concernant l’Egypte, après une série de dévaluations successives initiées fin 2022 et se prolongeant jusqu’au début de l’année 2024, la livre égyptienne a enregistré une chute importante de sa valeur face au dollar américain. La perte est abyssale : la monnaie nationale a purement et simplement perdu la moitié de sa valeur.

Les conséquences pour les 45 entreprises égyptiennes figurant dans le classement économique des 500 champions africains sont inévitables. Un exemple frappant de cette situation est celui d’Orascom Construction, fleuron du BTP égyptien et acteur majeur de la construction du métro du Grand Caire. Malgré un niveau d’activité soutenu sur la période analysée, les facturations en dollars de l’entreprise ont chuté de 19,4%. Cette baisse drastique a entraîné une perte de sept places dans le classement, illustrant de manière éloquente l’impact négatif de la dévaluation monétaire.

Tendances inflationnistes

Il convient d’ajouter aux turbulences monétaires, qui ont secoué certaines économies africaines en 2023, une pression inflationniste persistante et particulièrement intense. Cette flambée des prix a mis à rude épreuve les marges bénéficiaires et la compétitivité de nombreuses sociétés. Pour illustrer l’ampleur du phénomène, on peut citer le Ghana où l’inflation a atteint un niveau considérable de +38,1 % selon les données de la Banque Mondiale. L’Égypte a également été confrontée à une situation difficile, avec une inflation s’élevant à +33,7 %. L’Éthiopie (+30,2 %) et le Nigeria (+24,6 %) ont également subi des augmentations de prix considérables, érodant le pouvoir d’achat des consommateurs et augmentant les coûts de production pour les entreprises.

Une illustration concrète de l’impact de cette inflation galopante est démontrée par le cas de BUA Cement. L’entreprise nigériane a dû faire face en 2023 à une augmentation substantielle de ses coûts de production, atteignant +39,5 %. Cette hausse significative a directement affecté sa rentabilité et sa capacité à investir dans l’expansion et l’innovation.

Recul des cours des matières premières

Après avoir atteint des niveaux record au milieu de l’année 2022, les cours des matières premières ont amorcé une phase de reflux significative. Ce phénomène, loin d’être éphémère, s’est poursuivi tout au long de l’année 2023, exacerbé par un contexte économique mondial caractérisé par une croissance molle et une demande chinoise qui, contrairement aux attentes optimistes, s’est avérée moins robuste.

L’impact de cette baisse des prix s’est fait sentir sur un large éventail de matières premières essentielles. Les prix du cuivre, de l’aluminium, du nickel, du phosphate et même des platinoïdes ont subi une érosion considérable. En particulier, le prix moyen du panier des PGM (Platinum Group Metals), un indicateur clé pour l’industrie minière, a enregistré une chute de 40 % au cours de l’année 2023. Ce recul des prix a inévitablement affecté les opérateurs miniers du monde entier, comprimant leurs marges bénéficiaires et affectant négativement leurs performances financières. L’ampleur de cet impact est mise en évidence par la situation de l’OCP. Ce champion marocain des phosphates (qui se classait 10ème) a vu ses ventes diminuer de près de 25 %, un signe tangible des difficultés rencontrées par l’industrie face à la baisse des prix.

La conséquence logique de ces dynamiques est une diminution du poids relatif du secteur minier dans l’ensemble de l’analyse de Jeune Afrique (le secteur minier a perdu plus d’un point dans le classement 2025 par rapport à l’édition précédente de ce dernier), représentant désormais 12,82 % du chiffre d’affaires total.

Performances sectorielles

Energie

Le secteur de l’énergie, un pilier essentiel du développement économique africain, connaît une ascension remarquable au sein du classement des 500 champions africains. Son influence, mesurée à l’aune du chiffre d’affaires cumulé total, a atteint des proportions inédites. En effet, ce secteur dynamique contribue désormais à hauteur de 28 % de ce chiffre d’affaires global, témoignant de sa vitalité et de son rôle prépondérant dans la croissance du continent.

Au sein du palmarès des 500 premières entreprises africaines, la société algérienne Sonatrach a ressenti les effets de ce contexte. Malgré un volume de production record, atteignant 194 millions de tonnes équivalent pétrole (TEP), en progression de 2,2 %, Sonatrach a vu son chiffre d’affaires en dollars diminuer de 8 %. Cette contraction est directement corrélée à la diminution du prix du baril de pétrole1 , soulignant la vulnérabilité des économies dépendantes des hydrocarbures face aux fluctuations des marchés internationaux.

Telecoms

Le domaine des télécommunications demeure une force économique significative occupant la troisième place par ordre d’importance avec 10,64 % de la valeur totale du Top 500, un niveau de contribution qui reste remarquablement stable avec la présence de 48 groupes.

Dans le paysage compétitif des télécommunications africaines, l’année 2023 a présenté un tableau contrasté de performances, fortement influencé par les fluctuations monétaires et les stratégies d’expansion.

MTN2 (8ème du classement), acteur dominant du marché, a enregistré une augmentation de ses revenus en rands3 (+6,9 %).

Toutefois, cette progression a été atténuée par les effets de change défavorables.

Airtel Africa4 (27ème du classement) a également ressenti l’impact de ces fluctuations monétaires. Pour les mêmes raisons que MTN, l’entreprise a cédé une place dans le classement et a vu son chiffre d’affaires en dollars diminuer de 5 %.

Contrairement à MTN et Airtel Africa, Vodacom (11e ) a affiché une performance plus robuste, avec une croissance de son chiffre d’affaires de 29,1 % en rands et de 5 % en dollars. Ce succès est attribué à l’intégration complète, depuis la fin de l’année 2022, de sa filiale égyptienne.

Aérien

L’industrie aérienne, longtemps convalescente après des turbulences économiques et sanitaires sans précédent, semble bel et bien retrouver de l’altitude. Les chiffres témoignent d’une reprise significative sur le continent africain.

La compagnie aérienne Ethiopian Airlines a confirmé sa position de leader en réalisant une ascension remarquable de neuf places dans le classement. Cette performance a permis à la compagnie éthiopienne de réintégrer le cercle du top 15 du classement, soulignant sa capacité à naviguer efficacement dans un environnement concurrentiel.

Dans la même veine, Royal Air Maroc (RAM) a affiché une progression importante. La compagnie aérienne nationale marocaine a réalisé une percée de 42 places dans le classement. Ce bond en avant est directement corrélé à une augmentation substantielle de son chiffre d’affaires, qui a progressé de 57 % en dirhams et de 50 % en dollars.

Analyse de la Présence Marocaine dans le Classement des 500 Champions Africains

La présence marocaine au sein du classement des 500 Champions Africains se distingue par plusieurs caractéristiques marquantes. On observe d’abord une diversification sectorielle considérable. Les entreprises marocaines présentes dans ce classement opèrent dans un large éventail de domaines, allant de l’agroalimentaire à la finance, en passant par les télécommunications, l’énergie, l’industrie manufacturière et le BTP. Cette diversification témoigne d’une économie marocaine plus mature et capable de se projeter sur des marchés variés à travers le continent.

Ensuite, la domination du secteur privé est une autre caractéristique essentielle. Contrairement à certains pays africains où les entreprises publiques jouent un rôle prépondérant, au Maroc ce sont les sociétés privées qui mènent la danse. Elles sont les locomotives de la croissance et de l’expansion sur le continent.

Enfin, l’entrée de nouveaux acteurs contribue à dynamiser le paysage économique marocain au sein du classement des champions africains. Il ne s’agit pas seulement des mêmes entreprises établies de longue date qui trustent les premières places. Cette dynamique de renouvellement est cruciale pour assurer la pérennité et la compétitivité de la présence marocaine dans ce classement et, plus largement, sur le marché africain.

Importance du secteur privé

Bien que le panorama général du classement des 500 champions africains soit largement dominé par les entreprises publiques, qui représentent encore une force économique majeure sur le continent, le Maroc se distingue par une configuration singulière. À l’échelle continentale, les entreprises publiques, avec 112 entités figurant dans ce classement, ont généré en 2023 un chiffre d’affaires cumulé de 253,7 milliards de dollars, représentant 34% du chiffre d’affaires total (figure 2).

Néanmoins, au Maroc, le secteur privé démontre une performance notable. Parmi les 54 entreprises marocaines figurant dans le classement, la majorité, soit 39, relèvent du secteur privé, ce qui affirme le dynamisme et de l’esprit entrepreneurial prévalant dans le pays. Ces entreprises génèrent collectivement un chiffre d’affaires cumulé de 55,9 milliards de dollars, illustrant ainsi l’importance de leur contribution à l’économie continentale.

Performances des grands groupes marocains et perspectives de croissance

Au sein de cette constellation d’entreprises performantes, certaines brillent d’un éclat particulier. L’Office Chérifien des Phosphates (OCP), fleuron de l’industrie marocaine, se démarque une fois de plus par sa performance exceptionnelle. L’OCP occupe fièrement la 10e place du classement général, un rang important qui témoigne de sa puissance et de sa contribution majeure à l’économie nationale. Son chiffre d’affaires, atteignant la somme considérable de 8,3 milliards de dollars, confirme son statut de leader incontesté dans son secteur. Parallèlement, Royal Air Maroc, la compagnie aérienne nationale, réalise une progression considérable. Son ascension de 42 places dans le classement, la propulsant à la 91e position, constitue une véritable prouesse.

Cette avancée illustre le dynamisme et la résilience de Royal Air Maroc dans un secteur aérien en pleine mutation, marqué par une concurrence accrue et des défis conjoncturels importants. Cette capacité d’adaptation et cette ambition de croissance positionnent Royal Air Maroc comme un acteur clé du transport aérien en Afrique.

L’OCP

Pour la période se clôturant en décembre 2023, les résultats financiers de l’entreprise ont présenté un tableau contrasté, marqué à la fois par des défis et des opportunités. Le chiffre d’affaires consolidé a atteint 91 277 millions de dirhams. Bien que ce montant reste conséquent, il traduit une diminution par rapport à l’exercice 2022, reflétant un contexte économique global incertain et des pressions concurrentielles accrues. Toutefois, il est important de souligner qu’un redressement notable a été observé au cours du second semestre, suggérant une amélioration progressive de la performance opérationnelle et une réponse efficace aux dynamiques du marché.

La marge brute, un indicateur clé de la rentabilité des ventes, s’est établie à 50 534 millions de dirhams. Ce chiffre affiche une régression comparativement à l’année 2022, impactée par la diminution des cours mondiaux des phosphates et produits dérivés. Après avoir atteint des niveaux culminants en 2022, les prix ont connu une correction substantielle en 2023, consécutive à un apaisement des tensions sur les marchés internationaux des engrais et à une amélioration des prévisions de production dans d’autres régions du globe.

L’EBITDA (bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement), un indicateur de la performance opérationnelle de l’entreprise, s’est fixé à 29 396 millions de dirhams. Ce montant a été en retrait par rapport à l’année 2022, ce qui s’est traduit par une marge d’EBITDA de 32%.

Enfin, les dépenses d’investissements se sont chiffrées à 26 825 millions de dirhams en 2023, marquant une augmentation significative par rapport à 2022. Cette augmentation est directement liée à l’intensification du programme d’investissement vert de l’entreprise, témoignant de son engagement envers la durabilité et la transition écologique.

En dépit d’une réduction du chiffre d’affaires de l’OCP en 2023, des perspectives plus favorables sont anticipées pour 2025.

Les prix des phosphates devraient s’apprécier en 2025

A fin mars 2025, les exportations marocaines de phosphates et de produits dérivés ont totalisé 20,3 milliards de dirhams, ce qui représente une augmentation de 18,2 % par rapport à la période correspondante de l’année précédente, d’après l’Office des Changes. Cette performance est principalement attribuable à l’augmentation des ventes d’engrais naturels et chimiques, qui ont progressé de 14,9 % pour atteindre 14,8 milliards de dirhams, ainsi qu’à la reprise des exportations de phosphates (+52,8 %, à 2,01 milliards de dirhams) et d’acide phosphorique (+17,2 %, à 3,5 milliards de dirhams).

La RAM

En 2023, Royal Air Maroc (RAM) a enregistré des résultats financiers remarquables, caractérisés par le bénéfice net le plus élevé de ces dix dernières années. Les résultats financiers de l’année 2023 ont constitué un moment décisif, avec un bénéfice net atteignant une marge de 2,2 %, ce qui représente la performance la plus positive de la décennie.

Au cours de cette même année, la RAM a transporté près de 7,2 millions de passagers, recouvrant ainsi 96 % de son niveau de trafic d’avant la pandémie, malgré une diminution de 10 % de sa flotte par rapport à 2019.

Les performances de 2023 ont affiché une nette amélioration par rapport à 2022, avec une augmentation de 42 % du trafic et une progression de l’offre de 32 %. Le taux de remplissage a atteint 77 %, un niveau record, contribuant ainsi à améliorer la rentabilité des vols. Les perspectives d’avenir de la compagnie apparaissent favorables, notamment grâce à la signature en 2023 d’un contratprogramme définissant une stratégie ambitieuse.

Ce plan prévoit l’expansion de la flotte, qui passera de 50 à 200 avions à l’horizon 2037, l’ouverture de plus de 100 nouvelles destinations internationales et de 46 lignes intérieures, ainsi que la diversification des sources de revenus.

Perspectives de croissance de la RAM

En avril 2025, la Confédération Africaine de Football (CAF) et Royal Air Maroc ont établi un partenariat stratégique de grande importance. Cet accord confère à cette compagnie aérienne le statut de Partenaire Global Officiel pour les compétitions africaines à venir, notamment la Coupe d’Afrique des Nations TotalEnergies Maroc 2025 et la Coupe d’Afrique des Nations Féminine CAF TotalEnergies Maroc 2024.

Cet accord consolide la présence de Royal Air Maroc sur la scène continentale et internationale, renforçant ainsi son rôle de lien stratégique entre l’Afrique et le reste du monde. Il s’inscrit également dans le contexte de l’essor du Royaume du Maroc en tant que centre sportif international.

Afin de satisfaire la demande accrue générée par les compétitions et événements organisés par la CAF (l’accroissement du nombre de supporters devant atteindre 500 000 supporters d’Afrique et d’Europe vers le Maroc), la compagnie aérienne mettra en œuvre un nouveau dispositif opérationnel et commercial en augmentant sa flotte et en diversifiant les destinations de ses vols.

Internationalisation des groupes marocains

L’analyse du niveau d’internationalisation des entreprises marocaines offre un éclairage précieux sur leur capacité à saisir les opportunités de croissance et à prospérer dans un contexte économique globalisé. On peut ainsi considérer que l’internationalisation constitue un véritable levier de performance pour les entreprises marocaines aspirant au statut de champions africains.

Nous présentons ci-après quelques exemples probants illustrant cette tendance à l’internationalisation.

OCP Africa

Le développement d’OCP sur le continent africain se divise en deux phases distinctes. La première phase, s’étendant de la création d’OCP Africa en 2016 à l’année 2023, a été consacrée au déploiement du groupe sur le marché africain. Durant cette période, l’entreprise a répondu à la demande existante tout en approfondissant sa compréhension des écosystèmes locaux et des chaînes de valeur.

La seconde phase a débuté en 2024 avec le lancement du plan stratégique d’OCP pour la période 2024-2028. L’objectif principal est d’accélérer la mise en œuvre de l’approche d’engrais personnalisés, adaptés aux spécificités des sols, des cultures et des conditions climatiques. Cette stratégie repose sur les principes des « 4 R5».

Depuis 2016, la filiale OCP Africa a connu une trajectoire de croissance soutenue de ses ventes, témoignant de son engagement et de son efficacité sur le continent africain. Cette progression constante culmine en 2024 avec un volume de ventes atteignant 1,9 million de tonnes d’engrais. Un facteur clé de cette performance remarquable réside dans l’augmentation significative des ventes de TSP (Triple Superphosphate), un engrais phosphaté de fond très concentré essentiel pour la nutrition des cultures. Entre 2023 et 2024, les volumes de TSP ont connu une augmentation de 120%, soulignant l’importance croissante de cet engrais dans les pratiques agricoles africaines.

Fort de ces résultats, OCP Africa affiche des ambitions claires pour l’avenir. L’objectif pour 2025 est de franchir la barre des 2,5 millions de tonnes, un palier qui reposera en grande partie sur un triplement des ventes de TSP par rapport aux chiffres de 2024. Cette stratégie reflète la confiance de l’entreprise dans le potentiel du marché africain et sa capacité à répondre à la demande croissante en engrais de haute qualité.

En se projetant vers l’horizon 2027, OCP Africa vise une production de 4,2 millions de tonnes d’engrais. Mais au-delà des volumes, la stratégie de l’entreprise se concentre sur l’innovation et la personnalisation. L’objectif est d’atteindre 100% d’engrais customisés, adaptés aux besoins spécifiques des différents sols et cultures à travers le continent. Afin d’atteindre cet objectif, OCP Africa s’appuie sur un réseau d’unités de blending, notamment au Nigeria, au Sénégal et en Éthiopie, qui permettent de produire des engrais sur mesure au plus près des besoins des agriculteurs locaux.

Le groupe de distribution Label’Vie

Classé 107ème parmi les 500 entreprises africaines les plus performantes, le groupe de distribution Label’Vie a étendu ses activités en France. L’entreprise a pris en charge la gestion de six hypermarchés Carrefour situés à Paris, Grenoble et Marseille. Déjà présent dans 33 villes au Maroc et en Côte d’Ivoire, Label’Vie adapte sa stratégie commerciale en fonction des particularités locales.

La présence internationale de Label’Vie via ses filiales ivoirienne et française représente d’ores et déjà 50% des revenus du groupe, dont le chiffre d’affaires s’est élevé à 16,4 milliards de dirhams en 2024.

Mutandis

Mutandis a fait un choix stratégique différent en ciblant les États-Unis, s’éloignant ainsi de l’Afrique et de l’Europe. En 2021, l’entreprise a acquis Season, une société américaine de premier plan spécialisée dans la sardine haut de gamme, pour un montant de 406 millions de dirhams.

Mutandis contrôle 25 % du marché américain de la sardine, et même 50 % du segment premium. Une portion des usines marocaines du groupe est désormais entièrement consacrée à l’exportation vers les États-Unis.

Conclusion

Bien que le chiffre d’affaires global des entreprises marocaines, s’élevant à 55,9 milliards de dollars dans le classement des 500 champions africains, marque un léger repli par rapport à l’exercice 2022 (59 milliards de dollars), cette performance en apparence stable masque une réalité plus complexe.

En effet, les entreprises marocaines sont confrontées à une série de défis structurels qui limitent leur développement économique et leur capacité à rivaliser sur le marché international.

Parmi ces défis, on note en premier lieu la faiblesse de son tissu industriel. En effet, le secteur industriel marocain reste encore limité en termes de taille, de sophistication technologique et de capacité d’innovation. Cette limitation entrave la montée en gamme des produits et services marocains.

Deuxièmement, le marché intérieur marocain, en dépit de son dynamisme, reste de taille modeste comparé à d’autres économies émergentes. Cette limitation du marché intérieur freine la capacité des entreprises marocaines à réaliser des économies d’échelle et à atteindre une taille critique pour être compétitives sur le marché international.

Troisièmement, l’incidence indirecte des conflits commerciaux internationaux s’avère plus complexe à évaluer avec précision. Le Groupe Renault Maroc (22e du classement), par exemple, n’est probablement pas touché directement par les droits de douane américains, étant donné que la filiale marocaine approvisionne principalement l’Europe et l’Afrique du Nord en véhicules.

Cependant, le réseau de fournisseurs de pièces automobiles de premier rang, essentiel au fonctionnement de Renault à Tanger, pourrait ne pas bénéficier d’une situation aussi favorable.

Les perturbations des chaînes d’approvisionnement engendrées auparavant par la crise de la covid-19 ont représenté un défi pour ces réseaux de production en flux tendu. La question actuelle est de déterminer si Renault Maroc pourrait subir un impact indirect dans le cas où un fournisseur essentiel se trouverait en situation de cessation de paiement.

Enfin, la compétitivité globale du Maroc représente un enjeu considérable. Bien que des avancées notables aient été observées dans certains secteurs, notamment en ce qui concerne la logistique et l’infrastructure, il demeure que d’autres domaines nécessitent des améliorations considérables, en particulier le coût de la main-d’œuvre, la réglementation, l’accès aux financements et la formation de la main-d’œuvre.

Published On: juin 2025
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