Le Maroc en marche : placement du Capital-Investissement au cœur de sa croissance
Citation :
« Pour dynamiser la croissance du secteur du Capital-Investissement, il est essentiel de réaliser un changement dans la culture du financement dans notre pays, impliquant tous les acteurs : pouvoirs publics, opérateurs financiers et entreprises […] il est démontré que l’écart de croissance et de productivité entre les États-Unis d’Amérique et l’Europe provient de la prédominance de la finance désintermédiée centrée sur les marchés financiers et le Capital-Investissement. »
Extrait de l’interview de LesEco.ma avec le président honoraire de l’AMIC.
Introduction
Depuis mars 2020, le Maroc a démontré une grande résilience à une série de chocs, respectivement Covid-19 en 2020, les effets du conflit entre l’Ukraine et la Russie en plus des répercussions économiques de la crise en 2022, enfin le séisme d’Al Haouz en 2023, par la mise en place de divers plans d’urgence et des politiques de développement.
Dans le cadre du Nouveau Modèle de Développement (NMD), le Royaume prévoit mettre en œuvre plusieurs réformes ambitieuses afin de renforcer cette résilience notamment par la promotion du capital humain et l’incitation de l’investissement privé. Ces initiatives s’inscrivent dans une volonté de booster la croissance marocaine dans un contexte complexe nécessitant la contribution active et étroite de tous les acteurs économiques, notamment les opérateurs du secteur financier.
Concrètement, la Banque Centrale travaille à maîtriser l’inflation pour soutenir la croissance, tandis que les banques commerciales et participatives continuent de jouer un rôle important en fournissant des financements aux particuliers et aux entreprises,
que ce soit pour répondre à des besoins de consommation ou pour soutenir des projets de grande envergure. Les compagnies d’assurance cherchent également à élaborer des solutions adaptées pour faire face aux nouveaux risques découlant des incertitudes récentes et futures. La bourse de Casablanca quant à elle demeure une source de financement alternative considérable pour les entreprises désireuses d’accéder aux capitaux nécessaires à leur croissance, surtout dans des conditions économiques volatiles.
Dans ce paysage dynamique, il convient également de souligner le rôle des sociétés de Capital-Investissement qui offrent non seulement un soutien financier mais aussi un accompagnement stratégique adapté aux entreprises en croissance les aidant à traverser des périodes difficiles sur un horizon d’investissement déterminé. Comme son nom en anglais l’indique « Private Equity », le Capital-Investissement est privé parce qu’il lève des fonds auprès d’investisseurs institutionnels et accrédités, d’une manière telle qu’il évite d’avoir à faire une offre publique d’actions sur une bourse de valeurs.
Sur le plan historique, selon Wall Street Journal, le concept « Private Equity » n’est pas nouveau, du moins ses méthodes telles que le Capital-Risque (Venture Capital), le capital de croissance (Growth Capital) et les rachats par endettement (Leveraged Buyout), existent depuis longtemps. Au fil du temps, ce modèle d’investissement a évolué, passant de simples investissements de familles riches à l’implication de grandes banques qui acquièrent des participations majoritaires dans des entreprises en difficulté, comme l’acquisition de Carnegie Steel par JP Morgan & Company en 1901 pour former la plus grande entreprise du monde « United States Steel ».
À l’échelle mondiale, au cours du premier semestre de 2022, le secteur a maintenu son élan de croissance, après avoir enregistré une vague d’opérations record s’élevant à 654 milliards de dollars en 2021, ce qui confirme une tendance à la hausse remarquable depuis le début du 21ème siècle. Parallèlement, au Maroc, le secteur du Capital-Investissement a marqué un nouveau record d’investissement en 2021, atteignant 1 155 MMDH, après un précédent record de 1 198 MMDH établi en 2018. D’après l’Association Marocaine des Investisseurs en Capital (AMIC), le Royaume compte 33 sociétés de gestion opérant dans le domaine du Capital-Investissement jusqu’à la fin de 2022, comprenant des banques et sociétés de gestion d’actifs, des caisses de retraites et des compagnies d’assurance, ce qui témoigne d’une présence significative et diversifiée d’acteurs dans le domaine et souligne ainsi l’importance croissante de ce secteur dans l’économie nationale. Dans la continuité de cet objectif, l’AMIC a organisé en mai 2023 sa 10ème conférence sur le Capital-Investissement visant à explorer les opportunités de développement du Capital-Investissement dans le Royaume, tout en favorisant l’investissement dans divers secteurs de l’économie marocaine.
En réponse à cette dynamique économique importante et résistante du Maroc et sa volonté affirmée de dynamiser le secteur du Capital-Investissement, le Royaume devra capitaliser sur l’expérience internationale pour placer efficacement le Capital-Investissement au cœur de sa croissance économique, en tenant compte de son histoire et des défis spécifiques rencontrés dans ce parcours ambitieux.
Alimenter la croissance de l’économie marocaine par le Capital-Investissement
Les dynamiques de croissance de l’économie marocaine :
En vue de moderniser son appareil productif et d’améliorer ses performances et sa résilience, le Maroc a établi une stratégie intégrée pour transformer son économie par le biais du développement de stratégies sectorielles. Cette vision s’inscrit dans une logique de consolider les leviers spécifiques à chaque secteur, tels que les investissements dans la recherche et développement, les politiques fiscales, les ressources humaines, les partenariats public-privé et l’accès aux financements, afin de stimuler étroitement tous les moteurs de la croissance économique.
Suite à la conjoncture internationale marquée par une persistance de l’inflation et une volatilité du secteur financier et grâce aux efforts de l’État marocain dans le cadre des politiques sectorielles et commerciales, les indicateurs quantitatifs et qualitatifs ont enregistré une amélioration significative. Au cours des huit premiers mois de 2023, la balance commerciale a connu un allègement de son déficit de 9,4%, s’établissant ainsi à 192 MMDH, soutenue par la légère augmentation des exportations de 0,2% par rapport à août 2022, une croissance qui a été particulièrement observée dans les secteurs de l’automobile, de l’électronique, de l’électricité, du textile et du cuir et par la baisse de 3,9% des importations par rapport à la même période.
En ce qui concerne les flux nets des Investissements Directs Étrangers (IDE), l’Office des changes marocain a annoncé un total de 21,7 MMDH en 2022 contre 20,7 MMDH en 2021, soit une augmentation de 6,8%. Ces investissements étrangers ont principalement été dirigés vers le secteur de l’industrie (37%) et de l’immobilier (20%), suivis par les secteurs du transport et du tourisme avec des parts respectives de 7% et 5%. Toutefois, les constats de l’année 2023 affichent une valeur de 10,15 MMDH, ce qui démontre une diminution remarquable de 53,3%. Ainsi, la baisse de 17,8% des recettes et l’augmentation de 25,6% des dépenses, soulèvent des incertitudes quant à l’évolution des IDE, un facteur fondamental pour la croissance de l’économie marocaine, dans les années prochaines.
Suite à une légère augmentation de la valeur de l’euro, pour atteindre en moyenne 1,08$ entre janvier et septembre 2023, le dirham s’est déprécié au cours de la même période, à la fois face à l’euro (10,97dh/€, soit +3,7%) et au dollar (10,12dh/$, soit +2,2%).
Cette dépréciation du dirham pourrait avoir des effets positifs sur l’économie marocaine, malgré les préoccupations quant à son impact sur le pouvoir d’achat des ménages. D’une part, elle pourrait renforcer la compétitivité des exportations marocaines sur les marchés internationaux, stimulant ainsi les ventes à l’étranger. D’autre part, cette dépréciation pourrait également entrainer une hausse des coûts des importations pour les entreprises et les consommateurs marocains, incitant ainsi à privilégier la production locale. Cela devrait contribuer à l’atténuation du déficit commercial marocain ainsi qu’à la réduction de la dépendance aux produits étrangers.
Il est également essentiel de souligner l’évolution du taux d’inflation au Maroc en 2023, caractérisée par une tendance à la baisse depuis février. Durant cette période, le taux d’inflation est passé de 10,1% en février à 5% en août. Cette tendance reste maitrisée grâce aux actions entreprises et engagées par les pouvoirs publics pour réduire l’impact, surtout sur la capacité économique des ménages.
L’inflation sous-jacente, quant à elle, suit également une trajectoire descendante pour s’établir à 4,9% en août 2023 après avoir atteint +8,1% en mars de la même année. Cela implique que la hausse des prix à la consommation est maitrisée même en excluant les produits à prix volatiles et les produits réglementés. Une réduction de la pression inflationniste est attendue à long-terme favorisant ainsi la confiance des consommateurs et des entreprises dans la dynamique de l’économie nationale en général et dans les politiques monétaires mises en place par les autorités publiques.
En 2023, la croissance économique est prévue à 3,2%, après une croissance modeste de 1,3% en 2022. Cette hausse est principalement due à un accroissement de la demande intérieure, à la reprise des activités agricoles, qui ont enregistré une croissance de 5,7% au troisième trimestre de 2023, et de l’activité halieutique, qui a connu une croissance de 80,7% au même trimestre. Il est à noter que cette tendance intervient dans un contexte où l’inflation est sous contrôle et où les besoins de financement de l’économie nationale sont en hausse.
Dans cette perspective, le Maroc s’engage à accélérer la transformation structurelle des secteurs porteurs de croissance, notamment :
– L’agriculture, par la mise en œuvre de la stratégie « Génération Green » 2020-2030, visant à améliorer le taux de valorisation des produits agricoles marocains à près de 70% d’ici 2030
– L’industrie, avec le lancement effectif de la nouvelle Charte Nationale de l’Investissement en 2023 et la création du Fonds Mohammed VI pour l’Investissement en vue de renforcer l’offre de financement en fonds propres en faveur des sociétés marocaines, ainsi que par le développement des industries de pointe, en particulier les secteurs du transport et de la mobilité.
– Le tourisme, par l’établissement d’une feuille de route de relance du secteur à horizon 2026, visant à renforcer la compétitivité de l’offre touristique marocaine tout en créant 200 000 emplois directs et indirects, à réformer la gouvernance et à débloquer les fonds pour atteindre 17,5 millions de touristes en vue de générer 120 milliards de dirhams de recettes de voyage.
Concernant l’année 2024, les perspectives pour l’économie marocaine semblent indiquer une croissance modérée, selon les analyses de la CFG Bank, possiblement alignée sur celle de 2023, qui était de 3,2%. Les prévisions du Haut-Commissariat au Plan (HCP) suggèrent une croissance de +2,9% pour l’économie nationale dès le premier trimestre de 2024, avec plusieurs constats significatifs : une contraction de l’activité agricole attribuée aux températures excessives enregistrées pendant le trimestre. En revanche, le secteur de l’industrie manufacturière aurait enregistré une progression notable de 6,8% au cours du premier trimestre de 2024. De même, une croissance qualifiée de plus robuste a été observée dans le secteur de la construction, avec une augmentation de 3,7%, contre une baisse de 3,4% enregistrée au T1 de 2023. Enfin, les branches tertiaires auraient également enregistré une croissance soutenue, avec une augmentation de 3,1% au premier trimestre de 2024, notamment grâce à la résilience des services aux entreprises.
D’après des économistes, la stabilité macroéconomique du Maroc permet d’envisager un taux de croissance dépassant les 5%. Cette prévision est soutenue par les nombreuses opportunités dont bénéficie le Maroc, le positionnant sur une voie prometteuse de croissance économique et de développement durable. L’organisation de la Coupe du Monde 2030 va renforcer l’image du pays en tant que destination touristique, stimulant ainsi le secteur du tourisme et ses industries associées telles que l’hôtellerie, la restauration, le divertissement et le transport. De plus, le développement des infrastructures portuaires et aéroportuaires à travers des projets ambitieux à l’horizon 2030 et 2045 permettra de moderniser et d’adapter les capacités logistiques du pays à la croissance du commerce et du trafic aérien. Par ailleurs, les réformes visant à améliorer le climat des affaires, notamment la réforme du régime de change pour une plus grande flexibilité, ainsi que l’investissement continu dans la mise à niveau des technopoles du Royaume, contribueront à stimuler l’investissement et l’innovation. De plus, la poursuite de la transition énergétique, avec un accent particulier sur le déploiement des énergies renouvelables et la promotion de l’hydrogène vert, offrira de nouvelles opportunités dans le domaine de l’énergie durable.
Cependant, la croissance économique du Maroc est également confrontée à plusieurs défis qui entravent son développement à long-terme. L’investissement privé, pour sa part, peine à retrouver son rythme d’avant la pandémie, affaibli par l’inflation et les disparités persistantes de revenus. Malgré les efforts en faveur de la réalisation de la parité entre l’investissement public et privé d’ici 2026, attirer davantage d’initiatives privées et favoriser l’entrepreneuriat reste un défi considérable.
Parallèlement, l’accès au financement constitue un obstacle majeur pour les startups et les PME, amplifié par le manque d’éducation financière, les coûts élevés des options de financement disponibles et l’inadaptabilité aux besoins spécifiques de l’entreprise. Cette situation entrave le développement des petites entreprises et nuit à leur efficacité en termes de contribution à la croissance économique.
Le défi