L’immobilier marocain : vers une nouvelle dynamique après la loi de finances 2024.
Citation :
« Grâce à un dialogue franc, constructif et équilibré, nous pourrons concilier les enjeux économiques et financiers d’un côté et les défis humains de l’autre. Ainsi, nous pouvons construire ensemble, pour la planète, l’avenir que chacun de nous espère pour ses enfants. »
Extrait du message adressé par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste, aux participants des Assemblées annuelles du Groupe de la Banque mondiale (BM) et du Fonds Monétaire International (FMI).
Introduction
Après sa publication par la Chambre des Représentants le 20 octobre 2023, le projet de loi de finances 2024 a suscité beaucoup de réactions auprès des différents acteurs économiques. Ce document budgétaire, tant attendu en raison de l’urgence induite par la conjoncture nationale et internationale, repose en grande partie sur la réévaluation et le réajustement des priorités nationales pour assurer une économie sociale agissante avec les ressources disponibles.
Deux mois plus tard, ce projet a été approuvé par les deux chambres du Parlement marocain pour devenir un document officiellement publié au Bulletin Officiel du Royaume, en tant que loi de finances adoptée pour l’exercice financier 2024, marquant ainsi le début d’une promptitude gouvernementale pour la mise en œuvre des orientations budgétaires décidées. En effet, les dispositions de ce texte législatif visent à répondre aux défis de croissance dans le cadre de l’amélioration du bien-être social. Parmi les axes prioritaires figurent la rénovation et la restauration des régions affectées par le tremblement de terre d’Al Haouz, l’affermissement des bases de l’État social, l’amélioration du processus de développement, l’accélération des changements structurels ainsi que l’amélioration de la viabilité des finances publiques, témoignant de l’engagement du gouvernement envers les leviers du développement économique et social du Maroc.
Dans ce même contexte d’État social, plusieurs initiatives gouvernementales antérieures s’inscrivent dans une démarche visant, depuis 2004 et 2010, à progressivement éliminer les habitations insalubres des villes marocaines. Ces efforts ont été réalisés dans le cadre de deux programmes, à savoir le programme « Villes sans bidonvilles » et le programme « Logement social ». Concrètement, ces initiatives ont significativement renforcé la contribution du secteur dans la valeur ajoutée sectorielle totale, atteignant 6.1% en 2019. La Formation Brute de Capital Fixe (FBCF) a également connu une hausse remarquable, dépassant les 154 MDS DH, pour ainsi pointer des accroissements respectifs de 30.8% et 19.5% pour ces deux indicateurs sectoriels, entre 2010 et 2019.
En dépit des défis posés par la crise sanitaire de la Covid-19, le secteur immobilier a maintenu, en 2020, une contribution annuelle dans le concours à l’économie qui dépasse le quart avec une part de 25.05%. Bien que la tendance ait été à la baisse, enregistrant une diminution de 4.13% de 2018 à 2020, cette résilience souligne le rôle essentiel du secteur dans le contexte économique, même face aux impacts de la pandémie.
La loi de finances 2024, dans sa vision de combiner développement économique et développement social, a envisagé un certain nombre de mesures pour faire face à une récession prolongée du secteur immobilier à travers la reprise de quelques mesures fiscales de la loi de finances précédente et la mise en place d’une aide financière au logement directement octroyée aux ménages non-propriétaires.
À la lumière de ces éléments, il devient impératif de répondre à la problématique suivante : en quoi les nouvelles dispositions de la loi de finances 2024 impactent-elles le secteur de l’immobilier, et quelles répercussions cela pourrait-il avoir sur les secteurs connexes ? Du marché résidentiel au marché commercial, le secteur immobilier se manifeste à travers une diversité de formes qui souligne l’importance de comprendre les différentes implications prévues de ses divers segments. Par ailleurs, cette diversité d’impacts s’étend également aux acteurs cruciaux, étroitement liés au dynamisme du secteur immobilier, à savoir le secteur du BTP et le secteur bancaire. Cette interconnexion sectorielle renforce ainsi l’influence significative de l’évolution du secteur immobilier sur les activités de construction et le système financier, promouvant un effet stimulant qui se traduit principalement par une augmentation des projets d’investissement et une hausse de la demande des prêts bancaires, lesquels ont représenté un taux de contribution à l’économie s’élevant à 23,3% à fin octobre 2023.
Indicateurs et performances du secteur de l’immobilier
Le secteur de l’immobilier : dynamique conjoncturelle et tendance globale du marché
Dans le cadre du dynamisme économique et industriel que connaît le Maroc depuis les dernières décennies, le secteur de l’immobilier constitue une source de création de valeur ajoutée et d’emploi. Pour ne prendre que le cas du secteur des matériaux de construction, selon les données de la Fédération des Industries des Matériaux de Construction (FIMC), affiliée à la CGEM, ledit secteur compte plus de 700 entreprises, réalisant un chiffre d’affaires global annuel de l’ordre de 45Mds DH et contribuant à la création de plus de 200 000 emplois directs et indirects. Concernant la contribution du secteur au PIB national, elle serait de 6.62% avec une valeur ajoutée produite annuellement par ce secteur avoisinant 14 Mds DH.
Le secteur de l’immobilier joue un rôle cardinal dans l’économie marocaine avec une contribution directe à hauteur de 6,3% du Produit Intérieur Brut (PIB) national et une production de près de 160 000 unités de logement par an. Il contribue à la réduction du déficit en logement qui est passé de 1,2 million d’unités en 2002 à 339 537 à fin 2022. Par ailleurs, ce secteur pèse près de 30% du total des encours de crédits des banques.
Compte tenu de l’évolution significative que connaît la population marocaine notamment urbaine, passant d’une population urbaine de 18 millions en 2004 à 20.4 millions en 2014 (avec un taux d’urbanisation de 60,3% contre 55,1% en 2004), vers une prévision de 32,1 millions à l’horizon 2050, les villes marocaines abriteraient, en 2050, 73,6% des habitants du pays au lieu de 60,3% en 2014, le secteur de l’immobilier devrait connaître une croissance remarquable.
Au-delà de la pression démographique et des défis y afférents, le secteur de l’immobilier est également confronté à d’autres challenges à cause de son caractère systémique. En effet, ce dernier est en étroite interaction avec différents types d’activités relevant notamment des domaines de l’industrie et des services, du système financier, de la logistique et de l’infrastructure, ce qui lui confère une forte capacité d’entraînement sur toutes ces activités.
Selon Bank Al Maghrib et l’Agence Nationale de la Conservation Foncière du Cadastre et de la Cartographie (ANCFCC), au troisième trimestre de 2023, l’indice des prix des actifs immobiliers a enregistré une hausse trimestrielle de 0,7%, recouvrant des progressions de 0,8% des prix du résidentiel, de 0,3% de ceux des terrains et de 1,3% de ceux des biens à usage professionnel.
En parallèle, le nombre de transactions a connu une baisse de 4,5%, reflétant des replis de 4,7% pour les biens résidentiels et de 14,7% pour les biens à usage professionnel et un accroissement de 2,8% pour les terrains.
En glissement annuel, l’indice des prix des actifs immobiliers a enregistré une progression de 0,3% au T3-2023, en lien avec les hausses des prix des terrains (1,1%) et de ceux des biens à usage professionnel (1,7%) ; les prix des biens résidentiels ayant, en revanche, reculé de 0,1%. Pour ce qui est du nombre de transactions, il a marqué une diminution de 7,2%, recouvrant des baisses de 5,6% pour les biens résidentiels, de 10,6% pour les terrains et de 13,2% pour les biens à usage professionnel.
Selon les données de Bank Al Maghrib, les tendances du marché immobilier varient selon les villes. Excepté à Casablanca, Marrakech et Meknès où les prix immobiliers ont baissé de 0,4%, 0,5% et 0,8% respectivement, les prix ont enregistré des augmentations dans les autres villes avec des taux allant de 0,1% à Fès, 1,9% à Rabat, à 2,5% à Tanger. Selon la même source, les ventes, ont reculé de 18% à Rabat, de 13,1% à Casablanca, de 10,5% à Agadir, de 9,9% à Marrakech et de 9,8% à Meknès. A l’inverse, elles ont progressé de 25,8% à Oujda, de 10,6% à Tanger, de 3,5% à Kénitra, de 2% à El Jadida et de 1,9% à Fès.
Globalement, la hausse des prix et les ajustements dans le volume des transactions ont été les principales caractéristiques de la tendance du marché immobilier marocain en 2023.
Une croissance du secteur de l’immobilier soutenue par le gouvernement
• Le Programme d’appui à l’accès à la propriété « Damane Assakane »
Dans le cadre de l’appui à l’accès à la propriété, le fonds « Damane Assakane » qui est entré en vigueur en avril 2009, suite à la fusion des deux fonds de garantie Fogarim et Fogaloge, a permis à différentes catégories de la population notamment les ménages de la classe moyenne d’accéder à des financements bancaires pour la construction ou l’acquisition de logements d’une valeur pouvant atteindre 800 000 dirhams.
A fin octobre 2023, le financement participatif a affiché un bond de +14,2% pour atteindre 21,1 Mds DH. Cette progression s’explique notamment par les retombées du fonds « Damane Assakane ». Selon le ministère de l’Aménagement du Territoire National, de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Politique de la Ville, plus de 287 491 foyers ont bénéficié de ce programme depuis sa création jusqu’à fin octobre 2023. En effet, le nombre de ménages ayant bénéficié de la garantie Fogarim s’établit à 213 769 (pour un montant total de 33,6 Mds DH) depuis son lancement en 2004. Pour sa part, la garantie Fogaloge compte 73 722 familles bénéficiaires pour un montant de 21,5 Mds DH depuis le démarrage de cette opération en 2009.
• Le Programme d’habitat social de 2010
Considéré constitutionnellement comme un droit qui garantit la dignité et participe à la cohésion sociale des citoyens, l’accès au logement décent est considéré comme une priorité nationale et un pilier du secteur social au Maroc.
En 2010, le ministère de l’Aménagement du Territoire National, de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Politique de la Ville a initié le programme d’habitat social à 250 000 Dhs. Ce dispositif de relance de l’habitat social s’est étalé sur la période 2010-2020 afin de donner de la visibilité et de la stabilité fiscale à l’investissement dans l’immobilier social.
Ainsi, ce programme a accordé une panoplie d’avantages aussi bien aux acquéreurs du logement social qu’aux promoteurs immobiliers qui s’engagent à réaliser un nombre de 500 logements, sur une période de 5 ans. Les avantages accordés aux promoteurs, incluent notamment l’exonération de l’impôt sur les sociétés et de l’impôt sur le revenu, ainsi que des droits et taxes tels que les droits d’enregistrement, les droits de timbre, les droits d’inscription sur les livres fonciers, la taxe professionnelle, la taxe sur les terrains urbains non bâtis et la taxe sur les opérations de construction.
Analyse des tendances de l’impact du soutien étatique sur le secteur
Bien que ce dispositif de conventionnement entre l’État et les promoteurs immobiliers ait pris fin en 2020, les promoteurs immobiliers engagés continuent de réaliser des logements dans le cadre des conventions signées avant cette date.
En effet, au terme de ce programme d’habitat social en 2020, et suite à la crise sanitaire du Covid-19, une nouvelle disposition fiscale rentrant dans le cadre de la loi de finances rectificative pour l’année budgétaire 2020 a été adoptée. Dans ce sens, un délai légal supplémentaire d’une année a été accordé aux promoteurs immobiliers ayant signé une convention avec l’État et ayant obtenu une autorisation de construire avant la déclaration de l’état d’urgence sanitaire.
En outre, pendant la pandémie, le ministère de l’Aménagement du Territoire, de l’Urbanisme, et de la Politique de la Ville a pris des mesures visant à protéger les droits des bénéficiaires et des futurs acquéreurs des programmes de logements soutenus par l’État. Cela inclut une réduction des droits d’enregistrement pour les bénéficiaires et les futurs acquéreurs de logements sociaux et à faible valeur immobilière.
Malgré une croissance soutenue observée dans la première phase du programme de soutien au logement social, caractérisée par une augmentation remarquable de l’encours des crédits aux promoteurs immobiliers entre août 2004 et février 2013 (soit une multiplication par 48, dépassant trois fois l’encours total du secteur bancaire national sur la même période), cette impulsion n’a malheureusement pas perduré. Cette évolution s’explique notamment par la diminution du déficit en logement, qui a impacté la demande, ainsi que par la détérioration du pouvoir d’achat des ménages, conséquence des mesures de réduction des dépenses et des subventions de la Caisse de compensation gouvernementale. De plus, l’absence de nouvelles initiatives étatiques pour soutenir le logement pour d’autres segments de la société a également joué un rôle dans cette dynamique.
Le Nouveau Programme d’aide au logement 2024-2028 traduit la haute volonté royale de renforcer la capacité des citoyens à accéder à un logement décent. Ce dernier vise à renouveler l’approche d’aide à l’accès à la propriété et à venir en aide au pouvoir d’achat des ménages, à travers une aide financière directe à l’acquéreur.
Dans cette perspective, il est crucial d’évaluer comment l’aide au logement peut rétablir et maintenir une trajectoire positive dans le secteur immobilier. Nous présenterons dans la section qui suit les contours de ce programme ainsi que les dispositions qui s’y rattachent dans le cadre de la loi de finances 2024.
Les dispositions de la loi de finances 2024
La vision royale et les ambitions gouvernementales
« Par fidélité au serment éternel de cette épopée, Nous nous faisons un devoir de poursuivre les marches de développement, de modernisation et de construction engagées pour assurer les conditions d’une vie digne aux citoyens marocains. » Discours de Sa Majesté le Roi Mohammed VI à l’occasion du 48ème anniversaire de la glorieuse Marche Verte.
Le Maroc est actuellement engagé dans une trajectoire de développement, guidé par une vision royale et des objectifs gouvernementaux alignés. Depuis 2000, Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu l’assiste, conduit le Royaume vers la modernité et l’ouverture au monde, tout en préservant les principes et les valeurs fondamentaux de notre nation, au sein d’une monarchie citoyenne. Sa souveraineté éclairée se manifeste à travers un engagement en faveur du développement économique, visant à assurer la prospérité tant des citoyens marocains que des résidents du pays. Ainsi, l’approche de l’économie nationale se profile comme un instrument du bien-être collectif.
Sur le plan social, les réformes visant à améliorer le statut de la femme et à protéger les droits de l’Homme sont directement attribués à l’initiative du Roi. Dans cette perspective, le programme d’aide directe au logement s’inscrit dans la conviction que l’accès à un logement décent est un droit fondamental, une reconnaissance partagée par plusieurs instruments internationaux des droits de l’Homme, notamment la Déclaration universelle des droits de l’Homme et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. L’octroi d’une subvention aux nouveaux acquéreurs constitue ainsi une démarche concrète pour soutenir l’accession au logement en vue de contribuer activement à la protection de la dignité humaine, à la réduction des inégalités sociales et à la création de conditions de vie favorables pour tous.
En alignement avec les hautes orientations royales, les ambitions du 33ème gouvernement marocain se concentrent résolument sur la durabilité et la croissance inclusive, dans le but d’édifier les fondements d’un État social robuste. Cette orientation se manifeste particulièrement sous l’égide de plusieurs initiatives, notamment la généralisation de la couverture médicale de base, soutenue par un investissement annuel de 95 milliards de dirhams. De plus, le gouvernement s’engage à étendre l’enseignement préscolaire à l’horizon 2028, à poursuivre le programme national Awrach pour la création de 250 000 postes de travail, à accompagner financièrement les porteurs de projets, et, enfin, à mettre en place des subventions financières directes allant jusqu’à 100 000 dirhams, pour faciliter ainsi l’accès à un logement de qualité pour les non-propriétaires marocains.
Dans l’ensemble de ces objectifs, une priorité partagée est clairement mise en lumière dans la loi de finances 2024 : le programme d’aide directe au logement. Cela témoigne de la convergence des efforts de la monarchie et du gouvernement dans leur engagement envers l’amélioration de la qualité de vie du citoyen marocain.
La conjoncture de la loi de finances 2024
La conjoncture économique et financière nationale et internationale influence et oriente le choix des priorités des dépenses publiques et le budget de l’État. À l’échelle internationale, la persistance des tensions géopolitiques, des pressions inflationnistes1 et le ralentissement de l’activité économique mondiale, notamment dans la zone euro où les prévisions de taux de croissance se situent à 0,7 % en 2023 et à 1,2 % en 2024, présagent d’un contexte économique international difficile.
Dans ce contexte, et suivant la tendance de 2023, la loi de finances 2024 privilégie les mesures sociales. Le gouvernement marocain a ainsi accordé une attention particulière à ces aspects dans le cadre de sa planification budgétaire.
A titre de rappel, il est important de noter qu’au titre de l’année 2023, 292 mesures fiscales à caractère incitatif ont été recensées, dont 251 ont été évaluées pour un impact budgétaire de 35,4 milliards de dirhams, soit une baisse de 6,6 % par rapport à l’année 2022. En 2023, les mesures dérogatoires les plus importantes concernaient principalement les objectifs suivants : soutenir le pouvoir d’achat (9647 MDH, soit 27,2 %), mobiliser l’épargne intérieure (6085 MDH, soit 17,2 %) et faciliter l’accès au logement (4114 MDH, soit 11,6 %).
Afin de préserver le pouvoir d’achat des citoyens, d’assurer la résilience de l’économie nationale et de soutenir les secteurs impactés par la conjoncture économique internationale, des mesures proactives ont été adoptées par le gouvernement :
Comme illustré dans le schéma ci-dessus, la nouvelle loi de finances se démarque par quatre principales mesures. En ce qui concerne le logement, l’accent est mis sur la continuation du renforcement des bases de l’État social, notamment par la mise en place du nouveau programme d’aide au logement 2024-2028. Ce programme vise à soutenir le pouvoir d’achat des ménages en offrant une aide financière directe aux acquéreurs.
Caractéristiques du nouveau programme d’aide au logement 2024-2028
Ce mécanisme, opérationnel à partir du 1er janvier 2024 et qui s’étalera sur une période de cinq ans, permettra aux Marocains résidant au Maroc et aux Marocains du monde ne disposant d’aucun bien immobilier et n’ayant jamais bénéficié d’aucune aide au logement d’accéder à un apport de l’État pour acheter leur premier logement principal.
Conditions et Éligibilité
Le programme d’aide au logement proposé par l’État vise à soutenir les acquéreurs de logements destinés à l’habitation principale au Maroc.
Pour être éligible, il faut être de nationalité marocaine, ne pas avoir bénéficié d’autres aides gouvernementales pour le logement et ne pas être propriétaire d’un bien destiné à l’habitation au moment de la demande.
Les biens immobiliers éligibles doivent être acquis à un prix inférieur à 700 000 DH TTC, être une première vente, composés d’au moins deux pièces et disposer d’un permis d’habiter à partir du 1er janvier 2023.
Les bénéficiaires doivent s’engager à occuper le logement comme résidence principale pendant au moins cinq ans et consentir une hypothèque en garantie de la restitution de l’aide en cas de non-respect de cet engagement.
Le statut matrimonial n’est pas un critère d’éligibilité, ce qui signifie que les célibataires et les personnes sans enfants peuvent également bénéficier de ce programme.
Afin d’accompagner les démarches des acquéreurs et réagir en cas de litige, la ministre de l’Aménagement du territoire national, de l’urbanisme, de l’habitat et de la politique de la ville, Fatima Ezzahra El Mansouri a annoncé, lors d’une conférence de presse tenue le 20 octobre 2023, la création de 12 agences régionales de l’urbanisme et de l’habitat en tenant compte des spécificités à la fois de l’espace urbain et du monde rural.
La ministre a également déclaré que les acquéreurs potentiels qui s’inscriront sur la plateforme le 1er janvier 2024 et dont la demande aura été acceptée pourront bénéficier du stock de logements déjà disponible et éligible à ce programme, estimé à date à 113 000 unités et devant croître de 10% chaque année.
Logement et dépenses étatiques
Afin d’accompagner la mise en œuvre de ce nouveau programme, les dépenses fiscales liées au logement ont occupé une place importante dans le cadre de la loi de finances 2024.
Ainsi, les dépenses liées au logement et équipements collectifs ont été évaluées à plus de 13 milliards de dirhams en 2024.
Le logement et les équipements collectifs, bien que ne représentant pas la dépense la plus importante, constituent une part importante des dépenses prévues par l’État en 2024. Malgré un montant relativement modeste par rapport à d’autres grandes fonctions de l’État, cette allocation reflète l’importance accordée à la construction de logements abordables, à l’amélioration des infrastructures urbaines et à la promotion de l’accessibilité aux logements pour la population.
Impacts des nouvelles mesures de la loi de finance 2024
Effets sur le secteur immobilier
Effets sur la demande
Dès le lancement du programme d’aide au logement, des données présagent d’une dynamique positive pour le secteur immobilier. Le BMCE Capital Global Research a publié ses prévisions pour un ensemble de valeurs notamment immobilières :
Les prévisions de l’évolution des résultats (Résultat Net Part du Groupe RNPG) des trois groupes sont estimées respectivement à 9.8% pour Addoha, 13.4% pour Alliances et de 12.5% pour Résidences Dar Saada (RDS) en variation 2023/2024. Addoha, avec une augmentation significative de son chiffre d’affaires consolidé en 2023, prévoit une croissance continue de son Résultat Net Part du groupe (RNPG) pour l’année suivante. De même, Alliances et RDS affichent des projections de croissance du RNPG pour 2024, illustrant ainsi une dynamique positive dans leurs performances financières.
Ces résultats suggèrent que le secteur immobilier marocain bénéficie d’un environnement favorable, caractérisé par une demande soutenue et des opportunités de développement. La croissance attendue des principaux indicateurs financiers
des entreprises immobilières indique une confiance accrue des investisseurs et une perspective optimiste pour l’avenir du marché immobilier au Maroc.
Effets sur les secteurs liés au marché de l’immobilier
Impact sur le secteur du BTP
Au cours de la dernière décennie, l’Office des Changes3 a observé une croissance significative du secteur du BTP. La valeur ajoutée a augmenté de 46,5 %, en passant de 41,4 à 60,7 milliards de dirhams, entre 2010 et 2020. Malgré les défis liés à la pandémie de la Covid-19, le secteur a affiché une résilience notable, enregistrant une perte de seulement 1,12 milliard de DH en 2020, soit une baisse de 1,8 %, en contraste avec la contraction plus importante du PIB national, qui a atteint -5,5 % à la même période.
Une reprise vigoureuse du secteur a été observée à partir de 2021, avec une contribution au PIB national évaluée à 6 % en 2022. Cette reprise a été principalement alimentée par la hausse des investissements publics dans les infrastructures.
Pour l’année 2024, une nouvelle reprise est attendue, après des fléchissements successifs en 2022 (-3,6 %) et 2023 (-1,3 %). Selon les projections du HCP, la valeur ajoutée du secteur devrait croître de 2,8 % en 2024. De plus, le secteur devrait bénéficier du programme de reconstruction et de réhabilitation des régions sinistrées par le séisme d’Al Haouz avec un budget estimé à 120 milliards de dirhams sur la période 2024-2028.
En outre, les opérateurs du secteur cimentier (notamment LafargeHolcim Maroc et Ciment du Maroc) devraient renouer avec un nouveau cycle de forte croissance et profiter du retournement de la conjoncture qui se profile dans le secteur.
Selon des sources médiatiques4, le marché du ciment a amorcé une trajectoire ascendante à partir du troisième trimestre de 2023, avec une augmentation déjà observée de 3,6 %. Cette reprise fait suite à une série de chocs causés par la pandémie et les tendances inflationnistes, qui ont entraîné des baisses successives de -17 % au quatrième trimestre 2022, -5,3 % au premier trimestre 2022 et -3,9 % au deuxième trimestre 2022.
Les professionnels du secteur estiment que cette tendance à la hausse devrait se poursuivre tout au long de l’année 2024, avec la possibilité de dépasser le record de 2011, où les ventes de ciment ont atteint 16,12 millions de tonnes, lors du pic de croissance du secteur immobilier, pour atteindre plus de 16,6 millions de tonnes d’ici 2026.
Cette tendance positive découle principalement de la reprise de l’activité dans le secteur du BTP largement stimulée par la nouvelle forme de soutien au secteur immobilier grâce au programme d’aide au logement 2024-2028. De plus, le programme de reconstruction des régions sinistrées par le séisme d’Al Haouz va également contribuer à cette dynamique favorable. L’atténuation de l’inflation, ainsi que les retombées attendues de l’organisation de la Coupe d’Afrique des Nations 2025 et de la Coupe du Monde 2030 au Maroc, devraient aussi apporter des avantages remarquables au secteur.
LafargeHolcim Maroc : Cap sur les 10 Mds DH
Selon les prévisions des experts de la société de bourse M.S.IN, LafargeHolcim, un géant du secteur avec une capacité de production de 14 millions de tonnes, devrait renouer avec la croissance des revenus et des bénéfices. M.S.IN prévoit une croissance annuelle moyenne des revenus de 11,3 % sur la période 2023-2027.
Grâce à une conjoncture économique favorable et à une stratégie de développement prometteuse, notamment la mise en service de sa nouvelle cimenterie à Agadir d’une capacité de 1,6 million de tonnes, ainsi que le renforcement de ses exportations de clinker et de ciment en Afrique de l’Ouest via sa filiale LHM Afrique, LafargeHolcim devrait dépasser le seuil des 10 milliards de dirhams de chiffre d’affaires dès 2025 pour atteindre 11,3 milliards de dirhams.
Selon M.S.IN, le dividende devrait suivre la même trajectoire haussière que les ventes, avec un dividende moyen par action de 80 dirhams sur la période 2023-2027. Dans ce cadre, il est recommandé l’achat du titre, qui est estimé à 2 281 dirhams.
Impacts sur le secteur bancaire
Selon le baromètre de décembre 2023 réalisé par Afdal.ma, les taux d’intérêt des crédits immobiliers sont restés stables malgré les hausses successives du taux directeur. Bien que le nombre de transactions ait diminué en raison de la baisse de la demande, il est possible que le programme d’aide directe au logement stimule celle-ci à l’avenir.
En pratique, dès le lancement du programme d’aide au logement, plusieurs points de vigilance ont été soulevés. L’implication des banques est perçue comme une condition essentielle à la réussite de cette initiative. Habituellement, le traitement des demandes de crédit immobilier prend entre deux et trois mois.
Afin d’assurer le succès de ce programme, il est impératif que le système d’évaluation des demandes de crédit ne dépasse pas 20 jours, car l’acquéreur dispose d’un délai d’un mois seulement pour finaliser l’achat de son logement. Il est ainsi crucial que les banques s’engagent pleinement pour garantir le bon fonctionnement de ce système.
La léthargie du secteur de l’habitat a contraint le secteur bancaire à réduire son exposition à l’immobilier, particulièrement quand il s’agit des prêts accordés aux promoteurs immobiliers, qui représentaient environ un tiers du portefeuille bancaire en 2012. Actuellement, les incitations directes au logement encouragent les non-propriétaires à opter pour des prêts bancaires, sans avoir à se soucier de l’acompte requis lors de la vente par le promoteur. Cette approche vise à atténuer le découragement traditionnellement associé à l’achat d’une propriété.
De plus, les futurs acquéreurs ont la possibilité de profiter de conditions avantageuses au niveau des financements bancaires, comme le montre l’analyse d’un comparateur de crédit immobilier en ligne. Les banques proposent des prêts à un taux de 4,5% sur des périodes de 8 à 15 ans pour les emprunteurs présentant des profils solides et dont le montant n’excède pas 500 000 DH, tandis que le taux est de 4,75% pour des durées plus étendues. Néanmoins, les données d’Afdal.ma indiquent une légère augmentation des taux dans certains cas, notamment pour des emprunts compris entre 500 000 et 800 000 DH avec une durée entre 16 et 25 ans.
Par conséquent, on peut anticiper une stimulation de la demande des prêts immobiliers à l’avenir, grâce à ces incitations directes au logement. Ces aides résolvent une préoccupation majeure pour les ménages, celle liée à l’apport personnel, et suscitent ainsi un regain d’intérêt pour l’achat immobilier parmi les non- propriétaires. De surcroit, le secteur bancaire pourrait envisager d’optimiser ses processus d’évaluation afin d’accélérer le traitement des demandes de crédits, en conformité avec les nouvelles exigences de la mesure en place.
Conclusion
Comme le témoignent les dépenses fiscales, le programme d’aide directe au logement occupe une place centrale dans le cadre de la loi de finances 2024. Au-delà de son caractère indéniablement social, ce programme devrait contribuer à la croissance économique de certains secteurs à forte valeur ajoutée.
En effet, le secteur immobilier et ses segments associés devraient s’attendre à une période de croissance robuste, tirée par une série de facteurs endogènes et exogènes. Le programme d’aide au logement, le programme de reconstruction et de réhabilitation des zones touchées par le séisme d’Al Haouz et l’accueil de grands événements sportifs internationaux majeurs tels que la Coupe d’Afrique des Nations 2025 et la Coupe du Monde 2030 devraient accélérer la demande de produits et services immobiliers, créer des opportunités d’emploi et stimuler la croissance économique du pays.
La tendance à la hausse, observée dans le secteur, amorcée dès le dernier trimestre de 2023, devrait s’intensifier avec la mise en œuvre du mécanisme d’aide au logement à partir du 1er janvier 2024. A titre d’illustration, les projections du HCP suggèrent une augmentation de 2,8 % de la valeur ajoutée du secteur du BTP en 2024. Cette croissance pourrait également avoir un impact favorable sur le marché de l’emploi, en particulier dans ce secteur qui emploie une grande part de la main-d’œuvre non qualifiée.