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L’immobilier marocain : vers une nouvelle dynamique après la loi de finances 2024.

Published On: mars 2024
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« Grâce à un dialogue franc, constructif et équilibré, nous pourrons concilier les enjeux économiques et financiers d’un côté et les défis humains de l’autre. Ainsi, nous pouvons construire ensemble, pour la planète, l’avenir que chacun de nous espère pour ses enfants. »

Extrait du message adressé par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste, aux participants des Assemblées annuelles du Groupe de la Banque mondiale (BM) et du Fonds Monétaire International (FMI).

Introduction

Après sa publication par la Chambre des Représentants le 20 octobre 2023, le projet de loi de finances 2024 a suscité beaucoup de réactions auprès des différents acteurs économiques. Ce document budgétaire, tant attendu en raison de l’urgence induite par la conjoncture nationale et internationale, repose en grande partie sur la réévaluation et le réajustement des priorités nationales pour assurer une économie sociale agissante avec les ressources disponibles.

Deux mois plus tard, ce projet a été approuvé par les deux chambres du Parlement marocain pour devenir un document officiellement publié au Bulletin Officiel du Royaume, en tant que loi de finances adoptée pour l’exercice financier 2024, marquant ainsi le début d’une promptitude gouvernementale pour la mise en œuvre des orientations budgétaires décidées. En effet, les dispositions de ce texte législatif visent à répondre aux défis de croissance dans le cadre de l’amélioration du bien-être social. Parmi les axes prioritaires figurent la rénovation et la restauration des régions affectées par le tremblement de terre d’Al Haouz, l’affermissement des bases de l’État social, l’amélioration du processus de développement, l’accélération des changements structurels ainsi que l’amélioration de la viabilité des finances publiques, témoignant de l’engagement du gouvernement envers les leviers du développement économique et social du Maroc.

Dans ce même contexte d’État social, plusieurs initiatives gouvernementales antérieures s’inscrivent dans une démarche visant, depuis 2004 et 2010, à progressivement éliminer les habitations insalubres des villes marocaines. Ces efforts ont été réalisés dans le cadre de deux programmes, à savoir le programme « Villes sans bidonvilles » et le programme « Logement social ». Concrètement, ces initiatives ont significativement renforcé la contribution du secteur dans la valeur ajoutée sectorielle totale, atteignant 6.1% en 2019. La Formation Brute de Capital Fixe (FBCF) a également connu une hausse remarquable, dépassant les 154 MDS DH, pour ainsi pointer des accroissements respectifs de 30.8% et 19.5% pour ces deux indicateurs sectoriels, entre 2010 et 2019.

En dépit des défis posés par la crise sanitaire de la Covid-19, le secteur immobilier a maintenu, en 2020, une contribution annuelle dans le concours à l’économie qui dépasse le quart avec une part de 25.05%. Bien que la tendance ait été à la baisse, enregistrant une diminution de 4.13% de 2018 à 2020, cette résilience souligne le rôle essentiel du secteur dans le contexte économique, même face aux impacts de la pandémie.

La loi de finances 2024, dans sa vision de combiner développement économique et développement social, a envisagé un certain nombre de mesures pour faire face à une récession prolongée du secteur immobilier à travers la reprise de quelques mesures fiscales de la loi de finances précédente et la mise en place d’une aide financière au logement directement octroyée aux ménages non-propriétaires.

À la lumière de ces éléments, il devient impératif de répondre à la problématique suivante : en quoi les nouvelles dispositions de la loi de finances 2024 impactent-elles le secteur de l’immobilier, et quelles répercussions cela pourrait-il avoir sur les secteurs connexes ? Du marché résidentiel au marché commercial, le secteur immobilier se manifeste à travers une diversité de formes qui souligne l’importance de comprendre les différentes implications prévues de ses divers segments. Par ailleurs, cette diversité d’impacts s’étend également aux acteurs cruciaux, étroitement liés au dynamisme du secteur immobilier, à savoir le secteur du BTP et le secteur bancaire. Cette interconnexion sectorielle renforce ainsi l’influence significative de l’évolution du secteur immobilier sur les activités de construction et le système financier, promouvant un effet stimulant qui se traduit principalement par une augmentation des projets d’investissement et une hausse de la demande des prêts bancaires, lesquels ont représenté un taux de contribution à l’économie s’élevant à 23,3% à fin octobre 2023.

Indicateurs et performances du secteur de l’immobilier

Le secteur de l’immobilier : dynamique conjoncturelle et tendance globale du marché

Dans le cadre du dynamisme économique et industriel que connaît le Maroc depuis les dernières décennies, le secteur de l’immobilier constitue une source de création de valeur ajoutée et d’emploi. Pour ne prendre que le cas du secteur des matériaux de construction, selon les données de la Fédération des Industries des Matériaux de Construction (FIMC), affiliée à la CGEM, ledit secteur compte plus de 700 entreprises, réalisant un chiffre d’affaires global annuel de l’ordre de 45Mds DH et contribuant à la création de plus de 200 000 emplois directs et indirects. Concernant la contribution du secteur au PIB national, elle serait de 6.62% avec une valeur ajoutée produite annuellement par ce secteur avoisinant 14 Mds DH.

Le secteur de l’immobilier joue un rôle cardinal dans l’économie marocaine avec une contribution directe à hauteur de 6,3% du Produit Intérieur Brut (PIB) national et une production de près de 160 000 unités de logement par an. Il contribue à la réduction du déficit en logement qui est passé de 1,2 million d’unités en 2002 à 339 537 à fin 2022. Par ailleurs, ce secteur pèse près de 30% du total des encours de crédits des banques.

Compte tenu de l’évolution significative que connaît la population marocaine notamment urbaine, passant d’une population urbaine de 18 millions en 2004 à 20.4 millions en 2014 (avec un taux d’urbanisation de 60,3% contre 55,1% en 2004), vers une prévision de 32,1 millions à l’horizon 2050, les villes marocaines abriteraient, en 2050, 73,6% des habitants du pays au lieu de 60,3% en 2014, le secteur de l’immobilier devrait connaître une croissance remarquable.

Au-delà de la pression démographique et des défis y afférents, le secteur de l’immobilier est également confronté à d’autres challenges à cause de son caractère systémique. En effet, ce dernier est en étroite interaction avec différents types d’activités relevant notamment des domaines de l’industrie et des services, du système financier, de la logistique et de l’infrastructure, ce qui lui confère une forte capacité d’entraînement sur toutes ces activités.

Selon Bank Al Maghrib et l’Agence Nationale de la Conservation Foncière du Cadastre et de la Cartographie (ANCFCC), au troisième trimestre de 2023, l’indice des prix des actifs immobiliers a enregistré une hausse trimestrielle de 0,7%, recouvrant des progressions de 0,8% des prix du résidentiel, de 0,3% de ceux des terrains et de 1,3% de ceux des biens à usage professionnel.

En parallèle, le nombre de transactions a connu une baisse de 4,5%, reflétant des replis de 4,7% pour les biens résidentiels et de 14,7% pour les biens à usage professionnel et un accroissement de 2,8% pour les terrains.

En glissement annuel, l’indice des prix des actifs immobiliers a enregistré une progression de 0,3% au T3-2023, en lien avec les hausses des prix des terrains (1,1%) et de ceux des biens à usage professionnel (1,7%) ; les prix des biens résidentiels ayant, en revanche, reculé de 0,1%. Pour ce qui est du nombre de transactions, il a marqué une diminution de 7,2%, recouvrant des baisses de 5,6% pour les biens résidentiels, de 10,6% pour les terrains et de 13,2% pour les biens à usage professionnel.

Selon les données de Bank Al Maghrib, les tendances du marché immobilier varient selon les villes. Excepté à Casablanca, Marrakech et Meknès où les prix immobiliers ont baissé de 0,4%, 0,5% et 0,8% respectivement, les prix ont enregistré des augmentations dans les autres villes avec des taux allant de 0,1% à Fès, 1,9% à Rabat, à 2,5% à Tanger. Selon la même source, les ventes, ont reculé de 18% à Rabat, de 13,1% à Casablanca, de 10,5% à Agadir, de 9,9% à Marrakech et de 9,8% à Meknès. A l’inverse, elles ont progressé de 25,8% à Oujda, de 10,6% à Tanger, de 3,5% à Kénitra, de 2% à El Jadida et de 1,9% à Fès.

Globalement, la hausse des prix et les ajustements dans le volume des transactions ont été les principales caractéristiques de la tendance du marché immobilier marocain en 2023.

Une croissance du secteur de l’immobilier soutenue par le gouvernement

• Le Programme d’appui à l’accès à la propriété « Damane Assakane »

Dans le cadre de l’appui à l’accès à la propriété, le fonds « Damane Assakane » qui est entré en vigueur en avril 2009, suite à la fusion des deux fonds de garantie Fogarim et Fogaloge, a permis à différentes catégories de la population notamment les ménages de la classe moyenne d’accéder à des financements bancaires pour la construction ou l’acquisition de logements d’une valeur pouvant atteindre 800 000 dirhams.

A fin octobre 2023, le financement participatif a affiché un bond de +14,2% pour atteindre 21,1 Mds DH. Cette progression s’explique notamment par les retombées du fonds « Damane Assakane ». Selon le ministère de l’Aménagement du Territoire National, de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Politique de la Ville, plus de 287 491 foyers ont bénéficié de ce programme depuis sa création jusqu’à fin octobre 2023. En effet, le nombre de ménages ayant bénéficié de la garantie Fogarim s’établit à 213 769 (pour un montant total de 33,6 Mds DH) depuis son lancement en 2004. Pour sa part, la garantie Fogaloge compte 73 722 familles bénéficiaires pour un montant de 21,5 Mds DH depuis le démarrage de cette opération en 2009.

• Le Programme d’habitat social de 2010

Considéré constitutionnellement comme un droit qui garantit la dignité et participe à la cohésion sociale des citoyens, l’accès au logement décent est considéré comme une priorité nationale et un pilier du secteur social au Maroc.

En 2010, le ministère de l’Aménagement du Territoire National, de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Politique de la Ville a initié le programme d’habitat social à 250 000 Dhs. Ce dispositif de relance de l’habitat social s’est étalé sur la période 2010-2020 afin de donner de la visibilité et de la stabilité fiscale à l’investissement dans l’immobilier social.

Ainsi, ce programme a accordé une panoplie d’avantages aussi bien aux acquéreurs du logement social qu’aux promoteurs immobiliers qui s’engagent à réaliser un nombre de 500 logements, sur une période de 5 ans. Les avantages accordés aux promoteurs, incluent notamment l’exonération de l’impôt sur les sociétés et de l’impôt sur le revenu, ainsi que des droits et taxes tels que les droits d’enregistrement, les droits de timbre, les droits d’inscription sur les livres fonciers, la taxe professionnelle, la taxe sur les terrains urbains non bâtis et la taxe sur les opérations de construction.

Analyse des tendances de l’impact du soutien étatique sur le secteur

Bien que ce dispositif de conventionnement entre l’État et les promoteurs immobiliers ait pris fin en 2020, les promoteurs immobiliers engagés continuent de réaliser des logements dans le cadre des conventions signées avant cette date.

En effet, au terme de ce programme d’habitat social en 2020, et suite à la crise sanitaire du Covid-19, une nouvelle disposition fiscale rentrant dans le cadre de la loi de finances rectificative pour l’année budgétaire 2020 a été adoptée. Dans ce sens, un délai légal supplémentaire d’une année a été accordé aux promoteurs immobiliers ayant signé une convention avec l’État et ayant obtenu une autorisation de construire avant la déclaration de l’état d’urgence sanitaire.

En outre, pendant la pandémie, le ministère de l’Aménagement du Territoire, de l’Urbanisme, et de la Politique de la Ville a pris des mesures visant à protéger les droits des bénéficiaires et des futurs acquéreurs des programmes de logements soutenus par l’État. Cela inclut une réduction des droits d’enregistrement pour les bénéficiaires et les futurs acquéreurs de logements sociaux et à faible valeur immobilière.