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L’Intelligence Artificielle au service du marché de demain

Published On: mars 2023
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Mot de l’experte :

« L’Intelligence Artificielle (IA) occupe une place grandissante dans nos sociétés et il devient urgent de mener une réflexion stratégique sur comment accélérer l’adoption de l’Intelligence Artificielle au Maroc et en Afrique, afin de faire bénéficier les organisations et les entreprises marocaines de nos talents académiques et professionnels en IA. »

Prof. Maha Gmira, Directrice de l’École d’Ingénierie Digitale et d’Intelligence Artificielle, Université Euromed de Fès et Titulaire de la Chaire ICESCO (Organisation Islamique pour l’Education) Femmes en Sciences : IA et futur.

Qu’est-ce que l’Intelligence Artificielle ?

L’Intelligence Artificielle (IA) fait généralement référence à tout comportement comparable à celui de l’être humain présenté par une machine ou un système. Dans la forme la plus élémentaire de l’Intelligence Artificielle, les ordinateurs sont programmés pour « imiter » le comportement humain, en utilisant des algorithmes et des modèles mathématiques pour analyser des données complexes, apprendre et s’adapter à de nouveaux environnements et situations et enfin prendre des décisions en conséquence.

Elle vise ainsi à développer des systèmes informatiques capables de simuler certains processus cognitifs tels que la perception, l’apprentissage, la résolution de problèmes et la prise de décision. L’IA utilise des techniques telles que l’apprentissage automatique, la reconnaissance de formes, le traitement du langage et la vision par ordinateur pour permettre aux machines de réaliser des tâches qui nécessitent normalement l’intelligence humaine. L’IA est utilisée dans une grande variété d’applications, allant des

assistants vocaux et des Chatbots aux systèmes de conduite autonome, en passant par les systèmes de recommandation et de détection de fraudes.
Il est important de noter que l’IA est un domaine vaste, en plein essor et comptant différents types et niveaux. À titre d’exemple, l’IA faible ou étroite est conçue pour accomplir des tâches spécifiques et limitées qui nécessitent une supervision humaine continue. Tandis que l’IA forte vise à reproduire l’intelligence humaine de manière globale, cette dernière est généralement autonome et peut fonctionner de manière indépendante.

Usages actuels de l’Intelligence Artificielle

L’Intelligence Artificielle permet de simplifier des tâches complexes et répétitives, ce qui peut conduire à une amélioration de l’efficacité des processus et une réduction des coûts.

Aujourd’hui, elle est utilisée dans multiples secteurs, tels la santé, les transports, l’éducation, l’agriculture, la robotique, la finance, le marketing ou encore la cybersécurité:

L’Intelligence Artificielle dans l’économie mondiale

L’expansion de la pandémie de Covid-19 s’est accompagnée de l’accélération de la transition numérique et de la digitalisation à l’échelle mondiale, permettant à l’Intelligence Artificielle de se développer considérablement. En 2022, les revenus du marché de l’IA, comprenant les logiciels, le matériel et les services, ont enregistré une croissance de 19,6% par rapport aux années précédentes.

Selon le Grand View Research, le marché de l’IA aurait ainsi atteint un volume global de 136,55 milliards USD à la fin de l’année 2022. Selon la même source, la taille du marché devrait augmenter à un taux de croissance annuel moyen de 37% entre 2023 et 2030.

Selon le Forum Économique Mondial, près de 16.000 milliards USD seront ajoutés à l’économie mondiale d’ici 2030, grâce à l’Intelligence Artificielle.

Figure 1 : Marché global de l’Intelligence Artificielle en 2022

L’ Amérique du Nord a dominé le marché et a représenté plus de 36,8% des recettes mondiales en 2022. Cette contribution élevée est attribuable aux initiatives gouvernementales visant à encourager l’adoption de l’Intelligence Artificielle dans diverses industries. L’Asie-Pacifique devrait être le marché de l’Intelligence Artificielle à la croissance la plus rapide entre 2023 et 2030.

Figure 2 : Le marché de l’Intelligence Artificielle par région en 2022

Enjeux de l’Intelligence Artificielle

Réglementation actuelle

Les algorithmes d’Intelligence Artificielle, sous leurs différentes formes, font progressivement partie intégrante de notre vie quotidienne, ce qui ouvre le débat de la réglementation et pousse les États à établir des orientations permettant de réguler ses usages.

Le 23 novembre 2021, les 193 États membres de l’UNESCO ont adopté une recommandation sur l’éthique de l’Intelligence Artificielle, le tout premier instrument normatif mondial mis en place pour«protéger mais également promouvoir les droits humains et la dignité humaine, et constituera une boussole éthique et un socle normatif mondial permettant d’instaurer un solide respect de l’État de droit dans le monde numérique ». Cette recommandation appelle les États membres à promouvoir une approche responsable et inclusive de l’IA, en veillant à ce que cette technologie soit développée et utilisée de manière à respecter les droits humains, la diversité culturelle et la biodiversité. Elle met en avant six principes éthiques fondamentaux pour guider le développement de l’IA : la transparence, la responsabilité, la prévention des préjugés, la durabilité, l’accessibilité et la promotion du bien commun.

  • La transparence permet de rendre explicites les processus de décision de l’IA, de manière à garantir la responsabilité et à permettre aux utilisateurs de comprendre comment les décisions sont prises.
  • La responsabilité implique la mise en place des systèmes de reddition de comptes clairs et la garantie que les systèmes d’IA sont conformes aux normes éthiques.
  • La prévention des préjugés afin d’éviter les biais discriminatoires dans la conception et l’utilisation de l’IA.
  • La durabilité veille à ce que l’IA soit développée et utilisée de manière à respecter les limites de la planète et de ses ressources.
  • L’accessibilité permet à l’IA d’être accessible à tous, sans discrimination, et que les avantages de cette technologie soient répartis équitablement.
  • Enfin, la promotion du bien commun garantit à ce que l’IA soit utilisée pour résoudre les problèmes sociaux et environnementaux, pour améliorer la qualité de vie des personnes et promouvoir le développement durable.

Actuellement, il n’existe aucune réglementation officielle encadrant les technologies et les innovations de l’Intelligence Artificielle dans le monde. Toutefois, plusieurs Etats ont développé des réglementations relatives à la protection des données privées. L’Union Européenne a adopté en 2018 le RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données) qui encadre le traitement des données à caractère personnel au sein de l’Union. Ce texte prévoit également la mise en place d’un DPO (Data Protection Officer) au sein des entreprises et administrations effectuant des évaluations des traitements de données personnelles afin de s’assurer que ces dernières respectent la législation en place.

Par ailleurs, la Commission Européenne élabore actuellement une loi sur l’encadrement et l’utilisation de l’IA, nommé le « Artificial Intelligence Act ». Cette réglementation a été approuvée par les États membres de l’Union Européenne en fin 2022 et devrait être mise en vigueur à partir du début de l’année 2024, devenant ainsi la première réglementation mondiale sur l’IA. Elle prévoit notamment de mettre en place un cadre de gouvernance au niveau de l’UE et de ses Etats membres à travers un « Comité européen de l’Intelligence Artificielle ». D’autre part, cette réglementation vise à garantir la sécurité et les droits fondamentaux des citoyens et entreprises tout en encourageant les investissements et l’innovation dans le domaine de l’IA au sein de l’Union.

Concernant le Maroc, une loi de la Commission Nationale de Contrôle de la Protection des Données à Caractère Personnel (CNDP) sur la protection des données personnelles a été adoptée en 2018, loi n° 09-19, pour modifier et compléter la loi n° 09-08 de 2009 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel10. Cette loi, qui devrait s’appliquer également aux données stockées et traitées par des systèmes d’Intelligence Artificielle, énonce les principes de base de la protection des données personnelles, tels que la transparence, la loyauté, la pertinence et la sécurité des données, et prévoit des sanctions en cas de violation de ces principes.

Risques et défis

Bien qu’elle présente de nombreux avantages, l’utilisation de l’Intelligence Artificielle reste complexe, et ses mécanismes ne sont pas totalement connus ni compris. Impliquée profondément dans notre mode de vie et de travail, elle présente des défis dont la prise en compte est nécessaire.

Éthique et sécurité

L’IA soulève des questions éthiques et sécuritaires complexes, notamment en ce qui concerne la vie privée, la surveillance, la responsabilité et la transparence. Certains systèmes de surveillance biométrique à grande échelle présents sur les logiciels d’IA portent atteinte au droit à la vie privée et provoquent des violations de sécurité en collectant et traitant des données personnelles, telles que des informations personnelles ou des données commerciales confidentielles, sans consentement explicite. Ces algorithmes sont souvent basés sur de grands ensembles de données dont le traitement et la conservation peuvent enfreindre le droit à la protection des données personnelles.

Les algorithmes d’IA, étant programmés par des humains sont susceptibles de présenter des biais, et de ce fait discriminer des groupes de population.
Par ailleurs, l’utilisation de logiciels d’IA pour réaliser différents contenus sans citer de sources est considérée comme du plagiat. L’Intelligence Artificielle ne permet pas de générer de nouvelles données, elle sert plutôt à faciliter la recherche à travers la collecte d’informations préexistantes, notamment celles protégées par le droit d’auteur. De ce fait toute utilisation telle quelle du contenu final revient à exploiter les travaux d’autres personnes.

En l’absence de réglementation, l’IA est susceptible d’être utilisée à des fins malveillantes, telles que la manipulation de l’opinion publique, la publication de données privées et informations erronées (fake news).

Automatisation et emploi

L’Intelligence Artificielle et l’automatisation soulèvent des préoccupations quant à leur impact sur l’emploi. Certes, l’automatisation de certaines tâches est en mesure d’augmenter l’efficacité et la productivité et, de ce fait, entraîner des gains économiques. Cependant, cela peut également conduire à une réduction des emplois pour les travailleurs qui effectuent les dites tâches.

En outre, l’IA est en mesure de remplacer certains emplois hautement qualifiés, ce qui aura de lourdes conséquences sur les travailleurs qui peineront à défendre leur place sur le marché du travail. De plus, l’IA peut également transformer certaines industries et modifier les compétences nécessaires pour réussir dans celles-ci, créant ainsi de nouveaux défis pour les travailleurs.

Ainsi, les liens entre l’IA et le marché de l’emploi sont mitigés. Tandis qu’il est attendu que certains emplois disparaissent du fait de l’automatisation, de nouvelles compétences seront nécessaires, notamment dans la programmation, la maintenance et la gestion des systèmes d’IA. Le concept d’« upskilling », qui consiste à acquérir de nouvelles compétences ou à améliorer celles existantes pour rester pertinent, performant et pouvoir se repositionner sur le marché du travail, devient essentiel pour adapter les compétences humaines au développement des nouvelles technologies.

Selon le rapport de Dell et de l’Institut pour le Futur, 85% des emplois de 2030 n’existent pas encore en raison de la future omniprésence du numérique et de la robotisation. Bien que la robotisation puisse améliorer la productivité des entreprises, elle peut également menacer les emplois des salariés. Cependant, les auteurs du rapport soulignent que la révolution numérique peut offrir des avantages tels que la flexibilité des horaires et l’élimination des inégalités lors de l’embauche. Les scientifiques conseillent aux gens de se concentrer sur ce que les machines ne peuvent pas faire pour réussir dans le futur.

De ce fait, il est essentiel que les gouvernements, les entreprises et les institutions éducatives travaillent ensemble pour préparer les employés aux changements à venir et leur offrir des opportunités de formation et de reconversion professionnelle. En parallèle, il est important de mettre en place des politiques et des réglementations pour protéger les employés et leur garantir des conditions de travail équitables et sûres dans l’économie numérique.

État des lieux du déploiement de l’Intelligence Artificielle au Maroc

Contexte actuel

Face à l’essor de l’Intelligence Artificielle, qui s’insère graduellement dans les marchés économiques et industriels mondiaux, le Maroc a entamé récemment une action dans ce domaine qui doit encore s’accélérer et s’intensifier. En effet, Le Royaume compte encore très peu d’industries avancées en Intelligence Artificielle. Selon le rapport annuel « Government AI Readiness Index 2022 », et sur un total de 181 pays, le Maroc se positionne en 87ème place à l’échelle mondiale des pays les mieux préparés à l’adoption de l’Intelligence Artificielle, et 13ème dans la région MENA. Le pays enregistre un score élevé en matière d’« Infrastructures et Données ». Toutefois, en termes de « Technologie » et « Gouvernement », la même source indique que les notes sont relativement faibles.

Néanmoins, le Royaume met en place des actions pour se positionner au sein du marché international de l’IA, notamment à travers la création de centres dédiés à la maîtrise et à la formation, dont le Centre International d’Intelligence Artificielle du Maroc à l’Université Polytechnique Mohammed VI (UM6P), ou encore la Chaire des Femmes en Science : Intelligence Artificielle et Futur de l’ISESCO en collaboration avec l’Université Euromed de Fès (UEMF). La mise en place de ces centres, qui comprennent des programmes pour développer des compétences en IA, promouvoir l’innovation et soutenir la recherche, vise principalement à faire du pays un hub régional de l’Intelligence Artificielle.

Bien que faiblement exploitée au niveau national, l’Intelligence Artificielle fait partie intégrante de certains secteurs. Effectivement, un nombre de startups marocaines proposent des services basés sur les systèmes d’IA pour améliorer leur productivité, leur efficacité et leur compétitivité sur le marché mondial. Les incubateurs jouent un rôle central dans ce sens, pour accompagner les porteurs de projets, leur donner davantage de visibilité au sein du marché et les connecter avec des investisseurs potentiels. Nous pouvons citer, à titre d’exemple :

• 212 Founders est un programme d’accompagnement et de financement mis en place par CDG Invest qui vise à faire émerger des startups d’envergure mondiale dans des secteurs à fort potentiel de développement, dont les nouvelles technologies, en lien avec le Maroc et l’Afrique.

• Freterium, fondée en 2018, fait partie de la première promotion de startups financées par ce programme. Elle est spécialisée dans la gestion des transports à travers des solutions basées sur l’IA. Son objectif principal est la transformation des chaînes logistiques de transport des marchandises en remplaçant les processus manuels par un écosystème entièrement connecté. Cette startup connecte ainsi les différents acteurs du secteur sur une plateforme collaborative accessible en temps réel et propose une planification des transports optimale grâce à des algorithmes développés en interne.

Perspectives sectorielles de développement

L’Intelligence Artificielle est considérée comme un moteur d’innovation technologique15. La compétitivité des entreprises, à l’ère du digital où les technologies évoluent rapidement et où l’innovation est un élément clé de la réussite, sera donc tributaire de leur capacité d’adaptation. Son développement permet de créer de nouveaux produits et services pour les entreprises, qui, en exploitant ces technologies, pourront améliorer leurs processus de production, optimiser la gestion de leurs stocks ou encore améliorer leur marketing.

L’Intelligence Artificielle s’implante graduellement en Afrique, bien que le continent ait encore un certain retard par rapport à d’autres régions du monde. Les entreprises qui exploitent l’IA au service de divers secteurs, tels que l’éducation, la finance, la logistique et les transports, détiennent des opportunités de développement prometteuses.

Industrie

L’IA offre de nombreuses possibilités pour augmenter la productivité de l’industrie. Elle permet l’automatisation de certaines tâches, une optimisation des processus de production, une amélioration de la qualité des produits, une réduction des coûts et une maintenance préventive plus efficace. Elle façonne l’avenir d’un nombre de secteurs industriels, dont l’industrie minière et automobile.

L’utilisation de l’IA dans l’industrie, tous secteurs confondus, demeure toutefois encore limitée. En effet, selon un rapport d’EY à la fin de l’année 2021, seulement 10 à 15% des entreprises à l’échelle mondiale ont réussi à industrialiser des solutions basées sur l’IA. Aussi, le taux consacré à l’investissement dans des projets impliquant l’IA est encore faible, entre 0,4% et 1%, bien que ses 18 applications soient en mesure d’optimiser les performances, et par conséquent d’ouvrir de nouveaux horizons capables de générer des gains supplémentaires.

À titre d’exemple, l’Intelligence Artificielle trouve plusieurs 8 applications dans l’industrie minière mais ces dernières sont encore peu développées. Grâce à ses logiciels d’analyse de données qu’elle alimente avec des données topographiques, géologiques, minéralogiques et cartographiques, l’IA est capable de localiser des gisements potentiels et d’effectuer des activités de forage. Par ailleurs, l’IA pourrait minimiser l’exposition des travailleurs aux opérations minières dangereuses.

Au cours des prochaines années, de nouvelles applications de l’IA dans le secteur minier verront le jour. Les intelligences artificielles pourraient être développées afin d’identifier les gaz et autres substances dangereuses, analyser les échantillons de manière autonome, ou encore trier les minéraux et éliminer leurs déchets.

D’autre part, dans ses applications dans le secteur logistique, il a été démontré une réduction considérable des coûts de transports à travers les véhicules autonomes. Pour illustrer ce propos, les groupes australiens BHP Group et Rio Tinto utilisent depuis peu des camions autonomes et auraient signalé une réduction de 15% des coûts d’exploitation par rapport aux camions à commande manuelle.

En outre, le secteur automobile est actuellement au centre du développement de l’IA. L’investissement dans les technologies de conduite autonome, telles que les capteurs de détection d’obstacles, les systèmes de reconnaissance de signalisation routière et les logiciels de prise de décision, est en forte croissance. Les entreprises telles que Tesla, Uber, et General Motors sont les plus grands investisseurs dans le développement de ces technologies. La taille du marché de l’Intelligence Artificielle dans l’industrie automobile a été estimée à près de 4 milliards USD en 2022, et devrait croître considérablement dans les 8 prochaines années pour atteindre 19,1 milliards USD en 2030.

Figure 3 : Le marché de l’Intelligence Artificielle dans l’automobile

Finance et services

« Avec environ 66% de la population adulte en Afrique non bancarisée, les technologies basées sur l’IA ont une énorme opportunité de favoriser l’inclusion financière en dehors des systèmes bancaires traditionnels. »

Ainsi, l’Intelligence Artificielle dans les domaines de la banque et de la finance se concentre sur l’automatisation de certaines tâches, comme l’ouverture de comptes, le traitement de prêts et la détection de fraudes. En outre, l’IA est utilisée pour examiner les informations des clients, personnaliser les offres de produits financiers proposés et améliorer l’expérience client en général.

Les banques et entreprises pourraient également s’appuyer sur l’usage de l’IA afin d’analyser les tendances du marché, prédire les mouvements des prix des actions, détecter les fraudes ou encore modéliser différents scenarii de risques, permettant ainsi de les anticiper et de les gérer en amont.

Éducation

L’Intelligence Artificielle est en mesure de relever d’importants défis dans le domaine de l’éducation et de favoriser l’innovation dans les pratiques d’enseignement et d’apprentissage. De plus, elle peut accélérer la réalisation des Objectifs de Développement Durable liés à l’éducation (ODD 4).

Selon l’UNESCO, l’utilisation de l’IA dans l’éducation devrait être axée sur l’amélioration des compétences humaines et la protection des droits de l’Homme21. L’objectif est de faciliter une collaboration efficace entre les êtres humains et les machines dans différents aspects de la vie, de l’apprentissage et du travail. L’UNESCO ambitionne de consolider son leadership dans le domaine de l’IA dans l’éducation en tant que laboratoire d’idées à l’échelle mondiale, organisme normatif, conseiller stratégique et organisme de développement des capacités.

Recherche et développement

Le domaine de la recherche est fortement soutenu sur le continent africain. L’existence de plusieurs laboratoires universitaires, dont le AI4D Africa, Artificial Intelligence for Development in Africa, implémenté dans plusieurs pays, ou encore AI Movement au Maroc, soutiennent la volonté de développer l’Intelligence Artificielle sur le continent.

La recherche et l’innovation sont des priorités centrales pour le continent africain. L’importance de ces secteurs est réaffirmée régulièrement, notamment au sein des programmes de développement et discours officiels qui placent la R&D comme un pilier stratégique et incontournable de la croissance. En effet, le Nouveau Modèle de Développement soutient que les tendances actuelles « imposent à des pays comme le Maroc de placer la formation du capital humain et la R&D et l’innovation au rang de ses priorités de développement, et d’accélérer sa mise à niveau en termes d’infrastructures technologiques, pour renforcer sa compétitivité et poursuivre son développement. La compétitivité globale du pays reposera essentiellement sur la qualité de son capital humain. »

Le domaine de la recherche constitue un atout pour l’avancement des systèmes d’IA au Maroc. Le Royaume se distingue ainsi par ses compétences académiques dans le domaine, comme en atteste l’attribution du prix de la meilleure université d’Afrique dans le domaine de l’Intelligence Artificielle à l’Université Mohammed Premier d’Oujda, à l’occasion du Festival Mondial de l’Intelligence Artificielle de Cannes (WAIFC) en février 2023.

L’investissement dans des projets de R&D de l’IA, en collaboration avec des universités, permettrait aux entreprises de s’inscrire sur une trajectoire de croissance à long terme tout en ayant un impact socio-économique important.

Services publics

L’Intelligence Artificielle est également utilisée de manière croissante au sein des services publics. Pour le traitement des données, l’IA accélérerait la recherche de documents, la classification des requêtes, la rédaction de documents administratifs, le traitement des formulaires et la traduction de textes.

Au niveau de la sécurité, elle est en mesure de détecter les activités frauduleuses (aides sociales, chômage, fiscalité), de vérifier et identifier les criminels dans les espaces publics via la reconnaissance faciale ou encore de reconnaître les situations à haut risque de criminalité. Par ailleurs, l’IA peut fournir des services personnalisés et répondre aux questions des citoyens à l’aide de Chatbots, capables d’analyser les conversations pour mieux comprendre les demandes de renseignements et les commentaires des citoyens.

L’IA est à même d’améliorer l’efficacité des services publics dans les villes intelligentes grâce à ses analyses prédictives. Par exemple, elle peut être utilisée pour optimiser la circulation, gérer la consommation d’énergie et d’eau et améliorer la gestion des déchets25. En somme, dans les prochaines années, l’IA augmentera de façon considérable l’efficience du secteur public tout en réduisant les coûts.

Conclusion

L’Intelligence Artificielle est en plein essor dans le Monde et en Afrique. Le continent détient désormais une pénétration du digital de plus de 43%26, mais il a encore un certain retard par rapport à d’autres régions du monde. Le développement de l’Intelligence Artificielle est encore confronté à de nombreux défis, notamment en termes de financement, de qualifications et compétences, et de réglementation.

Néanmoins, tout progrès à l’échelle continentale représente un avantage puisqu’aujourd’hui l’IA est considérée comme un levier stratégique pour relever les défis auxquels le continent est confronté, tels que la santé, l’éducation, l’agriculture, la gouvernance ou l’énergie. L’IA offre de nombreuses opportunités afin d’accélérer la croissance tout en prenant en considération les spécificités socioculturelles du continent.

A titre d’exemple, l’Intelligence Artificielle détient un potentiel important pour favoriser l’égalité de genres. Les applications de l’IA dans le recrutement et l’évaluation des performances sont à même de garantir l’égalité de genre en réduisant l’influence des biais cognitifs dans les processus liés à l’emploi. De même, l’IA peut être utilisée afin d’identifier les inégalités de genre dans les salaires et les promotions, ainsi que pour mettre en place des politiques visant à y remédier. Dans ce sens, l’IA pourrait améliorer l’accès des femmes à l’éducation et à la santé en Afrique. Entre autres, les Chatbots et les applications éducatives alimentés par l’IA offrent des possibilités d’apprentissage en ligne, en particulier dans les régions reculées où l’accès aux systèmes éducatifs est limité.

Parallèlement, la promotion de la durabilité est d’une importance majeure en Afrique. Selon le Directeur Général d’IBM Maroc, Mimoun Ouchaou, les objectifs de durabilité ne devraient pas être considérés comme une option mais plutôt un impératif commercial pour les entreprises africaines. L’Intelligence Artificielle détient un rôle important dans le renforcement de ce secteur primordial, notamment en matière de gestion des ressources naturelles, où elle permet de surveiller et contrôler l’utilisation des ressources en eau à travers des capteurs connectés, pour ainsi effectuer un suivi de la consommation d‘eau et éviter de potentielles fuites des réseaux publics d‘eau potable.

Dans les années à venir, l’Intelligence Artificielle sera en mesure d’aider à la transition énergétique. Par exemple, l’IA est capable de prévoir la demande et la consommation en énergie ainsi que l’état des générateurs d’électricité. Cependant, cette innovation présente des limites. En effet, la fluctuation de la demande et de la production, les changements météorologiques, l’état des machines ou encore le comportement du consommateur rendent encore les prévisions de l’IA approximatives.

Finalement, dans tout secteur d’utilisation, il est important de veiller à ce que l’IA soit déployée de manière éthique et responsable, en prenant en compte les facteurs de diversité et d’inclusion pour éviter de perpétuer des biais ou des discriminations existants.

Published On: mars 2023
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