Casablanca : Genèse d’un hub économique africain
Introduction
Le Maroc, solidement positionné dans le paysage politique, économique et culturel en tant qu’acteur incontournable sur la scène africaine et internationale, ambitionne de s’affirmer comme une véritable passerelle entre l’Europe et l’Afrique.
Sa solidité économique, attestée par une croissance stable et pérenne, avec un PIB estimé à 3,2 % en 2024 et 3,9 % en 2025, ainsi qu’une diversification réussie de ses secteurs stratégiques, est reconnue à l’échelle mondiale. Le récent rapport « Country Risk Atlas » d’Allianz Trade, dans lequel la note de l’économie marocaine est passée de « B2 » à « B1 », témoigne de cette évolution, portée par des investissements publics et privés ainsi qu’un tissu industriel résilient.
Au cœur de cette dynamique, Casablanca, en tant que métropole phare du pays, joue un rôle central. Depuis la découverte en 1955 de vestiges d’un Homo erectus et, plus récemment, en 2008 d’une mandibule complète datant de plus de 500 000 ans, la région dévoile une histoire riche et pluriséculaire. Anciennement appelée Anfa par les Phéniciens, la cité a connu un essor notable sous le règne du sultan Sidi Mohammed Ben Abdallah, qui y fit édifier des mosquées et des zaouïas, lui conférant l’appellation de Dar El-Beïda « maison blanche ». L’installation de comptoirs espagnols en 1781, d’où la traduction du nom de la ville, et la concession du port par le sultan Moulay Abdelaziz au XIXe siècle ont fait de Casablanca une plaque tournante du commerce entre l’Afrique du Nord et l’Europe, consolidée dès 1920 avec l’ouverture du premier port du Maroc et la naissance de la ligne Aéropostale en 1925.
Cette configuration stratégique de la ville, alliant son riche héritage historique à une montée en puissance économique moderne, justifie une analyse approfondie des aspects qui lui confèrent sa dimension de hub économique et des retombées de ce positionnement sur le Royaume et sur le continent africain.
Casablanca : Histoire et leviers de développement
Histoire et évolution de la ville
Durant la période coloniale, Casablanca, anciennement connue sous le nom d’Anfa, se révèle comme un carrefour historique majeur en Afrique du Nord.
Dès ses origines, attestées par des découvertes archéologiques, dont une mandibule datant de plus de 500 000 ans et des restes d’Homo erectus estimés à environ 400 000 ans, la ville montre des traces d’occupation préhistorique. Certains historiens évoquent une fondation phénicienne, tandis que l’UNESCO privilégie une origine berbère, Anfa signifiant « monticule » ou « colline ».
Sous la domination des Berghouatas, avant la conquête des Almohades en 1188, la cité s’affirme déjà comme un acteur important dans la région de la Chaouia. En 1469, l’attaque portugaise contraint les habitants à l’exil pendant près de trois siècles, avant que le sultan alaouite, Sidi Mohamed Ben Abdellah ne la reconstruise en la repeuplant avec les Berbères de Haha, donnant ainsi naissance à Dar el Beida.
Le tournant décisif survient avec l’instauration du protectorat français en 1912. La vision de Lyautey, à l’origine de la construction du premier grand port du Maroc, redynamise l’économie locale et attire, dès les années 1920, un afflux de populations de différentes origines, notamment les Français, les Espagnols, les Juifs, les Italiens, les Britanniques, les Allemands, les Belges et les Portugais qui s’y installent pour des raisons économiques, administratives et militaires.
Le développement industriel entre les deux guerres mondiales connaît une évolution marquante. Initialement centré sur l’agroalimentaire et les matériaux de construction, il affiche une croissance annuelle de 5 % entre 1938 et 1948, avant d’atteindre 9 % grâce à la diversification progressive de l’industrie au Maroc, à l’approche de la fin du protectorat en 1955.
Du point de vue architectural, des urbanistes tels que Prost, Ecochard et Courtois ont joué un rôle remarquable, œuvrant à moderniser la ville tout en préservant son héritage néo-mauresque. En effet, Casablanca hérite de la période coloniale un patrimoine immobilier de qualité, contribuant à son image de ville moderne et dynamique.
Après l’indépendance du Royaume en 1956, la transformation de la ville ne s’est pas limitée à une simple reprise des acquis, mais s’est accompagnée d’une réelle réinvention de ses politiques économiques, urbaines et culturelles.
Vers la fin des années 1950, la répartition de la population européenne résidant à la ville a notablement évolué. Une part substantielle de cette population a choisi de migrer, en réaction aux nouveaux défis politiques et économiques, tandis qu’une autre a préféré demeurer et s’intégrer, contribuant ainsi à une transformation graduelle de l’identité locale. Parallèlement, Casablanca a enregistré, à cette époque, une croissance démographique rapide, attirant des habitants venus de toutes les régions du pays et de diverses nationalités, renforçant ainsi son statut de grande agglomération cosmopolite. Pour encadrer ce développement imprévisible, le Schéma Directeur d’Aménagement Urbain, instauré en 1985, s’est présenté comme une réponse structurante visant à maîtriser le rythme de croissance de la ville et d’organiser son espace.
Atlas Capital en partenariat avec CIH Bank21Mars 2025 Sur le plan économique, entre 1958 et 1960, une tentative de réforme visant à transformer l’économie et la société a été mise en place, en se focalisant sur le développement de l’agriculture, l’encouragement du tourisme et la formation de cadres pour pallier le manque de personnel qualifié. D’après l’analyse d’un enseignant-chercheur1 , la politique de marocanisation, mise en œuvre dans l’espoir de transférer la propriété des entreprises aux nationaux, s’avère en partie répondre à une logique de recherche de profits rapides plutôt qu’à une stratégie de développement industriel à long terme, d’autant plus que les usines héritées continuaient de fonctionner avec des méthodes obsolètes, menant à leur détérioration progressive. Cela coïncide avec des années de sécheresse successives au Maroc, qui ont aggravé la pauvreté en milieu rural et poussé de nombreux habitants à migrer vers Casablanca, entraînant une urbanisation rapide et anarchique, engendrant l’émergence de bidonvilles et de lotissements clandestins.
Au début des années 1980, le Maroc traverse une période économique particulièrement difficile, conséquence des chocs pétroliers de 1973 et 1978. Le pays connaît alors un ralentissement marqué de la croissance, une montée du chômage, un déficit public important et une diminution des réserves de devises. La situation s’aggrave en 1981 avec une récession, entraînant une contraction de 1,74 % du PIB.
Dans ce contexte, les transferts financiers des Marocains Résidant à l’Étranger (MRE) s’avèrent précieux en apportant un soutien économique significatif. Leur contribution financière connaît une progression remarquable, passant de 540,1 millions de dirhams en 1970, à 5,115 milliards de dirhams en 1982, pour atteindre 17,328 milliards de dirhams en 1991.
Après une brève tentative de souveraineté économique, l’État marocain se tourne à nouveau vers les capitaux étrangers pour relancer l’économie nationale. En effet, la dette extérieure a progressé de plus de six fois entre 1975 et 1982 pour atteindre plus de 83% du PIB.
Au cours des années 1990, le Maroc adopte une politique d’ouverture économique et de libéralisation, dans le but de modernisation de l’économie nationale et de renforcement de la compétitivité du pays.
Cette période est marquée par une vaste campagne de privatisation des entreprises publiques, parmi lesquelles Maroc Telecom, acteur majeur des télécommunications, la Régie des Tabacs, entreprise historique du secteur du tabac, et la SAMIR, raffinerie historique du pays. Cette démarche a été perçue comme un levier essentiel pour améliorer l’efficacité des secteurs clés et réduire la charge financière de l’État, tout en stimulant l’initiative privée et en attirant les investissements étrangers.
Durant la dernière décennie, Casablanca s’est engagée résolument dans une ère de modernisation et d’ouverture économique, faisant de la transformation numérique un pilier central de son développement. L’ambitieux projet « Casa Smart City », initié par la mise en place d’un schéma directeur (2018-2022), témoigne de cette volonté de métamorphose.
Regroupant près de 70 projets répartis en quatre catégories (smart city, systèmes d’information, équipements/infrastructures et accompagnement), cette feuille de route vise à améliorer l’environnement des affaires et à simplifier les démarches administratives. Grâce à la dématérialisation des services et à la mise en place d’un système d’information géographique intégré, la capitale économique du Maroc ambitionne de rendre ses services publics plus efficaces et de faciliter le quotidien de ses citoyens. Dans cette même perspective, la région Casablanca- Settat mise sur l’inclusion sociale en développant des programmes de logements sociaux, en réhabilitant les quartiers défavorisés et en renforçant l’accès aux services de santé et d’éducation, en vue d’une modernisation harmonieuse et inclusive.
Depuis 2015, l’ouverture économique de Casablanca se révèle avec éclat, la métropole se transformant en un pôle économique en plein essor. L’expansion de l’offre immobilière destinée aux entreprises et l’essor de l’hôtellerie témoignent de ce dynamisme. Le Plan de Développement du Grand Casablanca (PDGC 2015-2020) incarne cette ambition, avec dix conventions signées dès 2014 pour mobiliser une enveloppe d’investissement de 33,6 milliards de dirhams, financée principalement par l’État, complétée par la contribution de la ville et un prêt de 172 millions d’euros de la Banque Mondiale.
Depuis 2016, la structure WeCasablanca Invest, soutenue par le Centre Régional d’Investissement, favorise l’attraction d’investissements directs étrangers, notamment dans l’industrie manufacturière et le commerce. Par ailleurs, des accords de libre-échange avec l’Union Européenne, les États-Unis et divers partenaires africains renforcent l’intégration de la métropole dans l’économie mondiale, consolidant ainsi son rôle stratégique sur la scène internationale.
Infrastructures stratégiques au service d’une vision publique
Casablanca se distingue par des atouts infrastructurels remarquables et des politiques publiques ambitieuses, qui ensemble, renforcent son positionnement stratégique aux niveaux national et régional.
Située sur la côte atlantique, la ville bénéficie d’un accès direct à l’océan, facilitant ainsi les échanges maritimes internationaux et la reliant aux principaux axes commerciaux. Le port de Casablanca, deuxième plus grand port du Maroc et l’un des plus importants du continent africain, constitue un véritable levier dans le commerce extérieur, assurant une part significative des échanges internationaux du pays.
Au-delà de sa géographie, la métropole a su développer des infrastructures modernes et performantes. Un réseau routier et ferroviaire dense, associé à l’aéroport international Mohammed V, principal hub aérien du pays, en pleine expansion avec un troisième terminal prévu sur une superficie de 910 hectares, permettra de doubler sa capacité d’accueil et d’offrir une connectivité sans précédent.
Par ailleurs, l’inauguration des lignes T3 et T4 du Casatramway, qui porte le réseau à 98 km, ainsi que l’élargissement de l’autoroute Mohammedia-Casablanca à huit voies et la mise en place de parkings souterrains innovants, comme celui du Triangle des Hôtels, illustrent l’effort continu pour améliorer la mobilité urbaine.
La ville s’engage également dans une démarche durable, avec la multiplication des espaces verts et parcs de loisirs, la construction d’Anfa Park, véritable poumon de verdure, et l’installation de la plus grande station de dessalement d’eau de mer d’Afrique, avec une enveloppe budgétaire de 11 milliards de dirhams. D’autres projets de transformation, tels que la reconversion d’anciens casernements en pôles culturels et la signature de nouveaux bâtiments par des architectes renommés, renforcent l’image de Casablanca comme métropole moderne et dynamique.
Sur le plan des politiques publiques, la ville a bénéficié de plusieurs initiatives étatiques destinées à accroître son attractivité et sa compétitivité. La mise en place de Zones d’Accélération Industrielle (ZAI), à l’instar de Midparc dans la commune de Nouaceur, dédiée aux industries à forte valeur ajoutée dans des secteurs tels que l’aéronautique et l’électronique, ainsi que la création de 30 zones industrielles aménagées, soit par des entités publiques, soit par des partenariats public-privé, témoignent de l’engagement des autorités locales pour favoriser l’investissement, tant étranger que national, tout en offrant un environnement propice au développement des entreprises et en stimulant la création d’emplois
Ces efforts de modernisation prennent une ampleur encore plus marquée avec la perspective de la Coupe du Monde 2030, qui génère une dynamique supplémentaire au développement de Casablanca. En préparation à cet événement d’envergure, la ville voit émerger de nombreux chantiers stratégiques, qu’il s’agisse d’infrastructures sportives, de mobilités urbaines ou d’aménagements destinés à renforcer son attractivité internationale, en vue de faire de la métropole marocaine un pôle de référence, capable de répondre aux exigences d’une compétition mondiale tout en transmettant un héritage durable aux générations futures.
Casablanca, le hub économique africain
Intégration régionale et connectivité économique
Le 4 janvier 1961, feu Sa Majesté Mohamed V a réuni à Casablanca une conférence africaine destinée à examiner la situation politique, économique et sociale du continent. Lors de cette rencontre historique, la charte de Casablanca, également nommée charte de l’Afrique nouvelle, a été mise en place, traçant ainsi le plan d’action pour la réalisation des principaux objectifs africains. Ce document, empreint de sagesse et de précision, témoignait de la détermination du souverain et du peuple marocain à servir, avec conscience et loyauté, les causes justes de l’Afrique, quels que soient les sacrifices à endosser. Dès lors, Casablanca s’imposa comme l’un des premiers signes d’une action africaine commune, précédant la création de l’Organisation de l’Unité Africaine en 1963 (OUA).
Au fil des années, cette vocation africaine a été redynamisée et s’est inscrite dans un partenariat stratégique et pragmatique. Le Maroc, en tant qu’acteur de premier plan, participe activement au développement du continent en adoptant une approche de co-développement, qui vise à favoriser la paix, la sécurité, une croissance partagée et une solidarité entre les pays africains. Ainsi, l’héritage de la charte de Casablanca se conjugue avec les défis contemporains, renforçant l’engagement du pays dans la coopération interafricaine.
Fort de cet héritage historique, Casablanca s’est affirmée comme une plateforme incontournable de coopération et d’échanges entre les nations africaines. Grâce à ses infrastructures modernes et à sa position géographique stratégique, la ville facilite la circulation des capitaux, stimule les investissements et favorise la mise en réseau d’acteurs économiques régionaux et internationaux. Elle joue un rôle déterminant dans l’édification de partenariats économiques solides, contribuant à l’intégration des économies africaines dans le marché mondial et soutenant le développement de projets communs.
Le 6 juin 2024 marque l’inauguration du Corridor logistique intercontinental, une infrastructure multimodale reliant la ville chinoise Chengdu à Casablanca en passant par Hambourg en Allemagne. Ce projet illustre la montée en puissance de la coopération sino-marocaine et renforce le statut stratégique du Maroc en tant que hub reliant l’Asie, l’Europe et l’Afrique, en parfaite harmonie avec la vision de Sa Majesté le Roi Mohammed VI.
L’essor financier au cœur de Casablanca
La Bourse de Casablanca, pour sa part, se révèle non seulement être le marché officiel des actions au Maroc, mais également un levier essentiel dans la dynamique d’intégration régionale et de connectivité économique du continent. En tant que première bourse du Maghreb et d’Afrique de l’Ouest, et la deuxième d’Afrique après Johannesburg, elle témoigne de son importance stratégique. Avec une capitalisation boursière atteignant 76 milliards de dollars et représentant 55 % du PIB marocain, elle joue un rôle central dans le financement des entreprises et la stimulation des échanges économiques dans le Royaume.
Dans le cadre de l’Africa Financial Summit, tenu le 12 décembre 2024 à Casablanca, la signature d’un accord de coopération stratégique entre la Bourse de Casablanca et l’Ethiopian Securities Exchange a marqué une étape déterminante. Ce partenariat vise à accélérer le développement économique en renforçant les liens entre deux des principales économies africaines. Il incarne ainsi une volonté de dynamiser les marchés des capitaux, de promouvoir des échanges transfrontaliers et d’améliorer l’accès aux financements pour les projets d’investissement dans les deux nations.
Au-delà de cet accord, la Bourse de Casablanca poursuit une politique d’ouverture et d’innovation, s’inscrivant pleinement dans la logique d’un co-développement au service de l’intégration africaine. De ce fait, elle contribue à consolider la position du Maroc en affirmant son expertise et son dynamisme dans un paysage économique en pleine mutation, lui permettant ainsi de servir de pont entre les marchés financiers africains et internationaux.
Le cas emblématique de Casablanca Finance City
Casablanca Finance City (CFC), instauré par la loi n° 44-10 en décembre 2010, se distingue par son positionnement en tant que pôle d’affaires marocain, qui incarne pleinement l’envergure africaine dans sa stratégie économique et financière. Cette dimension est particulièrement mise en avant sur le site de CFC, qui précise les raisons d’investir en Afrique, au-delà du seul marché marocain. Ce positionnement témoigne de la volonté de promouvoir un hub marocain à vocation africaine, en offrant à ses membres un accès privilégié aux opportunités d’un continent en pleine croissance.
Reconnue comme le premier centre financier en Afrique 2 et partenaire des plus grands hubs internationaux, CFC a su constituer une communauté solide et diversifiée, regroupant des sociétés financières, des sièges régionaux des multinationales, des holdings et des prestataires de services spécialisés. Grâce à une proposition de valeur attrayante et à un soutien constant en matière de « Doing business », CFC facilite l’expansion des activités de ses membres à travers le continent. En stimulant les synergies et en créant des opportunités d’affaires, la plateforme renforce l’expertise africaine de ses partenaires et encourage l’émergence de projets collaboratifs novateurs.
S’appuyant sur un réseau étendu qui couvre 50 pays africains et bénéficie de 21 partenariats sud-sud, Casablanca Finance City porte une vision ambitieuse d’intégration économique et financière. Ce modèle vise à transformer l’Afrique en un espace économique intégré et compétitif, tout en offrant un environnement favorable à l’innovation et au développement. En combinant une expérience marocaine éprouvée avec une vision résolument continentale, CFC se positionne comme un vecteur de croissance incontournable, contribuant ainsi à l’essor économique du continent africain au cœur des défis émergents.
Étant donné que leurs sociétés sont implantées au sein du pôle CFC, le responsable de la délégation BNP Paribas pour le Moyen-Orient et l’Afrique, ainsi que le directeur général et associé principal de BCG, soulignent l’importance du rôle de CFC dans l’attractivité de Casablanca pour les expatriés et les entreprises.
En effet, Bertin Aka de BNP Paribas appuie la facilité d’installation pour les expatriés grâce à l’efficacité de CFC dans la gestion des démarches administratives, tandis que Patrick Dupoux de BCG met en avant l’accès à un vivier de talents locaux et africains, essentiel pour le développement des activités de services à forte valeur ajoutée. Cette dynamique s’inscrit dans un cadre plus large, où le Maroc, fort de ses spécificités économiques et politiques, se distingue comme un acteur stratégique sur le continent africain.
Le Classement Mondial des Centres Financiers (GFCI) de 2023, positionne Casablanca Finance City au 54e rang, assurant ainsi une suprématie sur le continent africain, alors que des hubs comme l’île Maurice et Kigali se classent respectivement au 68e et au 81e rang. Ce positionnement notable repose sur un environnement d’affaires modernisé par des réformes ambitieuses. Concrètement, sous l’impulsion de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, le Maroc a engagé, dès 2018, une simplification administrative et une digitalisation poussée de l’ensemble de ses procédures, concrétisée par la promulgation de la loi 55-19 en septembre 2020.
Ainsi, en facilitant les démarches et en réduisant les délais pour les entreprises, ces initiatives renforcent non seulement la compétitivité du pays, mais contribuent également à attirer des investissements directs étrangers dans un climat de stabilité politique relative, porté par une monarchie constitutionnelle et une gestion pragmatique des affaires intérieures.
Sur le plan de l’attractivité des IDE, le flux net des IDE, qui a atteint 17,23 milliards de dirhams en 2024 avec une progression de 55,4 % par rapport à l’année précédente, illustre concrètement l’efficacité de cette stratégie de promotion et de développement économique, notamment grâce à la nouvelle charte de l’investissement qui vise à stimuler la participation du secteur privé, à attirer les investissements internationaux et à renforcer la compétitivité économique nationale.
Comparée à d’autres hubs économiques africains tels que Nairobi, Johannesburg ou Lagos, Casablanca se distingue par des atouts structurels majeurs. À Nairobi, malgré le dynamisme du quartier d’Upper Hill, des défis en termes d’infrastructures et de transparence réglementaire persistent. L’île de Lagos, quant à elle, doit faire face à des contraintes bureaucratiques et à des insuffisances en matière de services publics. Johannesburg, fort de son expérience financière, traverse actuellement une phase de transition avec un gouvernement de coalition qui induit une certaine incertitude politique et institutionnelle. En revanche, Casablanca Finance City offre un cadre plus stable et réformé, qui lui confère un statut privilégié. Ces facteurs de différenciation soulignent la capacité de Casablanca à proposer un environnement sécurisant et dynamique, favorable au développement des affaires et à la croissance économique à long terme.
Projections et perspectives
Casablanca se projette comme une métropole en perpétuelle transformation, capable de repenser en profondeur le concept de « Smartness ». Le projet Casablanca Smart City œuvre ainsi à replacer l’intelligence urbaine au service du développement humain et de la planification territoriale intégrée, en s’affranchissant d’une approche purement technologique. L’objectif est de mettre le citoyen au cœur de cette transition, afin de créer une ville intelligente qui réponde pleinement aux enjeux du développement durable, tout en favorisant la cohésion sociale et la qualité de vie de tous ses habitants.
La digitalisation des services urbains se manifeste notamment par le lancement d’initiatives novatrices, à l’instar de l’application « CasaTourat », conçue en collaboration avec LionsGeek et bénéficiant du soutien de l’AFD, ainsi que par le projet méditerranéen SAMIM, destiné à soutenir les acteurs de la société civile. Ce dernier est financé par l’AFD et mis en œuvre par le Laboratoire de l’Économie Sociale et Solidaire (Lab’ess), en partenariat avec l’association PULSE (France) et quatre structures d’accompagnement, parmi lesquelles figure l’association Bidaya au Maroc.
Parallèlement, l’essor des incubateurs et des accélérateurs dynamise l’écosystème entrepreneurial, profitant surtout aux start-ups. Ces structures offrent un accompagnement complet ainsi qu’un accès privilégié à des réseaux de mentors et d’investisseurs expérimentés, favorisant ainsi la maturation des idées et le transfert de compétences, afin de maximiser les chances de succès entrepreneurial.
Casablanca, pour sa part, continue à consolider sa position économique dans le continent en s’appuyant sur des atouts structurels forts. Casablanca Finance City (CFC) demeure à la tête des centres financiers africains, comme le confirme la 14e édition du Global Green Finance Index (GGFI), publié en décembre 2024. Cependant, son recul de quatre places dans le classement mondial par rapport à avril 2024 la plaçant à la 47e position sur 97, souligne l’importance de renforcer la confiance dans la finance verte et d’adopter des mesures visant à sécuriser et valoriser les investissements durables, afin d’attirer et de fidéliser les grands acteurs du secteur financier.
En outre, pour accroitre l’influence économique de Casablanca sur le continent, le renforcement des liens avec les pays africains à travers la Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAf), apparait comme un levier stratégique ouvrant la voie à de nouvelles opportunités et synergies pour les investisseurs internationaux porteurs de projets innovants et durables à l’échelle régionale.
Ainsi, les perspectives pour Casablanca s’articulent autour d’une triple dynamique : une transformation urbaine axée sur l’intelligence humaine, une modernisation technologique soutenue par des partenariats solides et un positionnement stratégique renforcé sur le continent africain. Ce modèle de développement, alliant innovation, réformes administratives et intégration régionale, promet de faire de Casablanca une métropole de référence capable de relever les défis du XXIe siècle et de jouer un rôle majeur dans l’économie africaine de demain.
Conclusion
Le Maroc bénéficie d’un environnement opportun grâce à des politiques fiscales avantageuses, des zones économiques spéciales et une main-d’œuvre jeune et qualifiée. L’amélioration continue des infrastructures de pointe, notamment les ports, les aéroports et les zones industrielles, ainsi que la position stratégique du pays en tant que carrefour entre l’Europe, l’Afrique et le Moyen-Orient créent des opportunités uniques pour les investisseurs internationaux.
Dans cette optique, Casablanca incarne un point de convergence entre un passé historique riche et inclusif et un avenir économique fondé sur une croissance collective à l’échelle du continent. La ville a su développer des infrastructures avancées et performantes, qui facilitent les opérations économiques régulières, tout en stimulant les investissements.
En effet, grâce à un écosystème dynamique favorisant la mise en réseau d’acteurs économiques régionaux et internationaux, Casablanca joue un rôle déterminant dans l’édification de partenariats économiques solides. Cet élan stratégique contribue non seulement à l’intégration progressive des économies africaines dans le marché mondial, mais aussi au développement de projets communs porteurs de croissance et d’innovation.
Le positionnement prépondérant de la Bourse de Casablanca et de Casablanca Finance City illustre parfaitement la capacité de la métropole à se hisser parmi les hubs économiques les plus influents de la région. Ensemble, ces deux leviers renforcent le rôle de Casablanca en tant que centre stratégique de l’économie marocaine et africaine.
Néanmoins, d’importants défis se profilent à l’horizon. Pour pérenniser cette dynamique, il est essentiel d’accélérer le développement de la finance verte, de renforcer les liens avec les pays africains via la ZLECAf et de mettre en place de nouvelles initiatives pour attirer davantage d’entreprises multinationales.
De plus, la gestion de l’urbanisation rapide, la réduction des disparités socio-économiques et la maitrise de la concurrence régionale imposent à la ville de poursuivre des politiques d’innovation et d’intégration renforcées.
En capitalisant sur cette évolution, Casablanca pourra consolider et étendre son impact et sa contribution stratégiques sur la scène économique continentale.