Categories: Focus

Dynamisme de l’investissement dans le cadre des rapprochements géopolitiques : cas de l’Espagne et de l’Arabie Saoudite.

Published On: mars 2024
Partager

Introduction

Dans un environnement géopolitique complexe et fragile marqué par l’extension du conflit entre l’Ukraine et la Russie et la montée des tensions au Moyen-Orient, plusieurs pays ont initié des rapprochements significatifs. Cela s’inscrit dans une démarche visant à développer la coopération dans divers domaines d’intérêt commun, en réponse aux retombées majeures de ces événements géopolitiques.

En septembre 2001, Kofi Annan, ancien Secrétaire Général des Nations Unies, avait déclaré dans son discours à l’Assemblée Générale de l’ONU, que « La seule voie qui offre quelque espoir d’un avenir meilleur pour toute l’humanité est celle de la coopération et du partenariat. » En effet, ces collaborations entre les Etats dépassent les considérations politiques, pour atteindre l’objectif de stimuler les échanges économiques et favoriser les flux d’investissement, établissant ainsi un cadre propice à la croissance mutuelle des parties. Cette perspective se traduit généralement par un dynamisme de l’investissement, caractérisé par la recherche commune d’opportunités économiques, l’accroissement des mouvements financiers, des transactions commerciales et des projets d’investissement dans plusieurs secteurs.

Dans ce cadre, il est pertinent d’explorer comment se reflètent les rapprochements géopolitiques dans les flux d’investissement, en mettant en avant les facteurs et mesures clés qui favorisent la réussite de ces coopérations dans un contexte international incertain. Pour illustrer, les cas de l’Espagne et de l’Arabie Saoudite offrent une vision importante, permettant de comprendre comment ces deux Etats ont entrepris un rapprochement avec le Maroc afin d’établir des collaborations fructueuses sur plusieurs niveaux, ainsi que les perspectives pour de nouvelles opportunités de succès pour ces coopérations bilatérales.

Catalyseurs des rapprochements et dynamisme économique

Facteurs favorisant les rapprochements géopolitiques

En vue de maintenir une certaine dynamique de croissance, des coopérations entre Etats émergent sous diverses formes, qu’elles soient bilatérales ou multilatérales, régionales ou internationales. Cela résulte principalement d’une volonté mutuelle de consolider les efforts vers le développement, une volonté exprimée et admise. Cette détermination est alimentée en fonction du degré d’implications des parties dans les crises géopolitiques, des intérêts stratégiques en jeu, de l’histoire des relations diplomatiques, ainsi que du niveau d’attractivité et de la complémentarité des marchés concernés. La nature de ces facteurs contribue à concevoir la diversité des collaborations interétatiques, créant ainsi un paysage dynamique de relations qui s’adapte aux nuances spécifiques des situations sur la scène internationale.

Lorsque les aspirations et les objectifs des nations s’alignent et se croisent, prenant en compte les priorités et les valeurs de chaque Etat, la convergence des intérêts stratégiques se manifeste sous multiples aspects.

Entre autres, les défis transnationaux, tels que le changement climatique, la prolifération des armes de destruction de masse, les migrations clandestines, nécessitent une réponse collective et renforcée. Les priorités économiques et commerciales partagées jouent également un rôle déterminant, permettant de renforcer les efforts visant à stimuler les secteurs clés, à multiplier les échanges commerciaux et les investissements étrangers, et à saisir les opportunités économiques. A cela s’ajoutent les aspirations géostratégiques réciproques à l’échelle régionale ou mondiale. Concrètement, les gouvernements cherchent à intensifier leur position, leur influence, ainsi que préserver leur sécurité à travers le déploiement de leurs ressources naturelles respectives, leur position géographique, et par le maintien d’une stabilité interne robuste.

Le deuxième facteur à considérer est le développement des relations diplomatiques qui permet la compréhension mutuelle des valeurs et aspirations entre les nations. Ces rapports reposent principalement sur le principe de l’égalité souveraine des Etats, qui signifie qu’ils ne sont assujettis qu’aux normes qu’ils ont définies eux-mêmes ou auxquelles ils ont consenti.

Les relations diplomatiques sont profondément influencées par la nature des liens passés entre les pays, qu’il s’agisse d’une alliance historique ou d’un conflit. Ces interactions antérieures sont des expériences interétatiques qui peuvent servir de fondement à de nouvelles initiatives de dialogue, marquées par un esprit renouvelé d’entente et de rapprochement ouvrant ainsi la voie à un avenir prospère pour les populations des deux pays. Un exemple notable de cette dynamique se trouve dans l’histoire de la France et de l’Allemagne, caractérisée par des conflits récurrents pendant plusieurs siècles, particulièrement au cours des deux guerres mondiales du XXe siècle. Toutefois, les leçons tirées de ces expériences ont abouti à la transformation de cette rivalité en coopération fructueuse, pour enfin construire une Europe prometteuse. Aujourd’hui, la France et l’Allemagne occupent une position centrale en tant que piliers de l’Union Européenne.

Tout aussi significatif que les deux facteurs précités, l’attractivité des marchés se révèle également comme un déterminant essentiel des rapprochements entre pays dans un contexte économique global. De manière pratique, le potentiel de croissance économique du pays, sa stabilité politique et financière, et ses fondements réglementaires offrent des perspectives de partenariats économiques bénéfiques pour les pays qui cherchent à diversifier leurs fournisseurs, à élargir leur éventail d’exportations ou à réaliser des investissements profitables.

En effet, cet attrait des économies est légitimement privilégié faisant des nouveaux partenaires un atout réciproque pour établir des synergies. Si le Maroc, par exemple, est parvenu à multiplier ses partenaires durant les vingt dernières années, cela est dû à l’essor de son économie dans divers domaines, et au cadre réglementaire renforcé et favorable aux investissements étrangers, consolidant ainsi sa position en tant que marché attractif, aussi bien sur le continent africain, qu’à l’échelle internationale, tant pour les pays que pour les investisseurs.

Depuis 2000, le Maroc a connu une croissance positive, à l’exception de l’année de la crise sanitaire. A trois reprises, en 2001, 2006 et 2021, le pays a dépassé un taux de croissance de 7%, enregistrant respectivement des taux de 7.72%, 7.79% et 7.93%. Cela démontre la tendance générale de croissance économique solide au cours des dernières années avec la montée en puissance des écosystèmes industriels marocains, la création du centre financier de haut niveau, Casablanca Finance City (CFC), classé premier en Afrique, et les efforts continus pour améliorer le climat des affaires dans le Royaume. Tous ces aspects justifient ainsi les relations positives établies avec divers pays à travers le monde.

Mécanismes incitatifs au dynamisme de l’investissement

Outre les coopérations diplomatiques, la facilitation des échanges commerciaux, et la création d’opportunités stratégiques, les rapprochements entre les Etats peuvent susciter le dynamisme de l’investissement, qui, à son tour, contribue à affermir les relations internationales.

Dans une perspective pratique, le dynamisme de l’investissement se caractérise par l’augmentation des flux d’investissements entre les pays partenaires à travers plusieurs initiatives communes. Il se traduit également par l’émergence de nouvelles opportunités d’affaires pour les investisseurs, favorisée par un environnement transparent et incitatif.

À cette fin, dans une coopération inter-Etats, les parties veillent à faciliter les conditions pour les investisseurs étrangers à travers notamment les accords bilatéraux et multilatéraux d’investissement qui consistent à stimuler les investissements dans des secteurs spécifiques tout en protégeant les investisseurs de tout préjudice potentiel. Ces conventions conclues entre les Etats sont négociées dépendamment du cadre choisi, bilatéral, régional, ou par secteur et peuvent comprendre différentes dispositions axées sur la promotion des investissements et/ou sur la protection des transactions de toutes restrictions injustes.

Dans la région MENA, le Maroc maintient une activité soutenue dans ses relations diplomatiques, en particulier en matière d’investissement. En janvier 2020, le pays a signé son 72ème traité bilatéral d’investissement, témoignant ainsi de son engagement continu dans la création et la préservation d’un environnement propice aux investissements étrangers. L’accord de libre-échange entre le Maroc et les Etats-Unis se distingue des autres accords de la région par l’inclusion d’un chapitre dédié à l’investissement, comportant des clauses substantielles relatives à la protection des investissements. À la lumière de ces perspectives, la coopération entre Rabat et Washington a entrainé un afflux de plus de 7.4 milliards de dirhams en 2022, représentant ainsi 34.1% du total des investissements directs étrangers (IDE) à destination du Maroc, ce qui marque une hausse notable par rapport à l’année 2021, où le flux net américain reçu s’élevait à 692 millions de dirhams (Figure 2). Effectivement, en 2022 les Etats-Unis ont réussi à se positionner en tant que premier pays investisseur 30 au Maroc.

Les zones de développement économique constituent un autre moyen d’assurer ce dynamisme. Ces régions géographiques offrent des lois économiques plus libérales et avantageuses pour les entreprises. De l’octroi d’incitations fiscales à la simplification des procédures, ces zones créent un climat favorable aux affaires. Selon un récent rapport d’Oxford Business Group, le Royaume du Maroc s’est distingué positivement en tant que modèle dans la création et de gestion de Zones Économiques Spéciales (ZES). Ainsi, le pays a été reconnu comme exemple à suivre à l’échelle continentale et mondiale en matière de promotion du développement économique et d’attraction des IDE.